Disques

Musiques serpentines !

Les familles d’instruments anciens révèlent encore peu à peu leurs richesses. Parmi les instruments à vent, les cuivres anciens occupent une place spécifique et parfois étonnante. Voici une parution discographique qui braque les projecteurs sur un bel objet musical encore peu connu du grand public.

Le serpent, puisque c’est de cet ancêtre du tuba aux ondulations évocatrices qu’il s’agit ici, appartient à la famille des cornets à bouquins. Le paradoxe vient du fait que ce « cuivre », comme tous les cornets, est fabriqué en… bois (ou en résine dans certaines versions modernes). Ce qui classe toute la famille parmi les cuivres n’est pas la matière qui constitue le corps de ces instruments, mais l’utilisation d’une embouchure (ou « bouquin »), en lieu et place d’une anche (simple ou double) pour les « bois ».

Parmi les cornets, le serpent occupe donc le registre de la basse. Une place équivalente à celle de la contrebasse chez les cordes.

On doit cette parution originale à l’un des rares musiciens français qui pratiquent cet instrument, Volny Hostiou. Ce natif de Quimper se passionne pour un répertoire lié à la Renaissance. Le serpent y occupe, le plus souvent, une place de soutien aux voix ou aux instruments de dessus. Mais quelques joueurs de l’époque, plus téméraires que les autres, n’hésitaient pas à improviser de brillantes diminutions. Le programme de cet album CD se consacre essentiellement à ce volet inattendu. Les pièces virtuoses solistes, comme le Recercada segunda les mesmos tenores du célèbre Diego Ortiz, ou le Tiento 49 De medio registro de baxón, de Correa de Arauxo, alternent avec quelques partitions pour orgue, voix, avec la participation d’un cornet à bouquin. Le bel orgue Quoirin de l’église Saint-Thomas de Cantorbéry à Mont-Saint-Aignan (Seine Maritime), tenu par François Ménessier, et le cornet d’Eva Godard entourent, soutiennent et accompagnent le valeureux serpent de Volny Hostiou qui multiplie les performances musicales. Le baryton Thomas Van Essen, qui par ailleurs dirige l’ensemble Les Meslanges, mêle sa voix à quelques pièces chantées dont l’important hymne de plain-chant Veni Creator de Jean Titelouze.

Etonnante pour ceux qui la découvrent, la douce sonorité du serpent acquiert tout au long de ce programme un charme certain. Il faut en rendre grâce à Volny Hostiou qui est par ailleurs souvent sollicité auprès de grands ensembles de musique ancienne, comme La Fenice, Sagittarius ou Les Passions.

Partager