Après le succès de son premier album CD, la Maîtrise de Toulouse, animée de main de maître par le chef de chœur britannique Mark Opstad, publie un passionnant recueil de motets français pour voix aiguës. Comme pour balayer quatre siècles de production chorale, l’ensemble toulousain célèbre avec autant de ferveur la riche période prérévolutionnaire et le renouveau de ce répertoire qui a dû attendre pratiquement le 20ème siècle. Le Motet français est ainsi placé au cœur de cette publication.
Comme le souligne Mark Opstad : « A l’origine, le nom de maîtrise était donné aux écoles attachées aux cathédrales et aux grandes églises dans toute la France. » C’est peu à peu devenu à tort synonyme de chœur d’enfants. En effet, la composante pédagogique ne doit pas être oubliée des fonctions qu’une maîtrise se doit de remplir. Pour son deuxième album CD, Mark Opstad et sa maîtrise toulousaine ont donc choisi de puiser dans le riche répertoire des motets français, ceux des 17ème et 18ème siècles, mais aussi ceux qui ont sonné la renaissance du genre opérée au 20ème siècle.
Les deux volets de cette parution bénéficient du même soin, des mêmes qualités vocales et expressives. Les voix de la Maîtrise de Toulouse délivrent un chant dans lequel se trouvent rarement réunies des caractéristiques aussi idéalement complémentaires. La pureté des timbres cristallins ne s’accompagne d’aucune fadeur. Elle soutient en effet une justesse, une cohésion et une conviction expressive admirables. Parmi les motets anciens, on retrouve avec bonheur les noms de Bouzignac et Campra associés à ceux, plus rares, de Boesset et Danielis.
On admire les dialogues entre les voix, la richesse des combinaisons que Bouzignac développe notamment dans son Tota pulchra es. On salue également la musique savante du maître de chapelle toulousain André Campra. La découverte de Boesset et Danielis ne présente pas moins d’intérêt.
C’est avec Gabriel Fauré que s’ouvre ici le volet le plus récent de ce répertoire. Son Ave verum, d’une sobre intériorité est une belle révélation de l’auteur du plus fameux Requiem du 20ème siècle. Le Regina coeli du Toulousain Henri Büsser et le Tota pulchra es de Maurice Duruflé semblent fortement inspirés par les incantations austères du chant grégorien. L’un des sommets de cette parution est indéniablement constitué de ces fameuses Litanies à la Vierge Noire de Francis Poulenc. Composées sur un texte français à la suite de la mort d’un ami cher et d’un pèlerinage emblématique à Rocamadour, ces Litanies reflètent le renouveau de foi catholique de celui qui savait aussi manier le langage le plus léger qui soit. Ce motet est ici magistralement épuré et d’une profonde grandeur. De Pierre Villette, disparu en 1998, O quam suavis es semble hérité des pratiques harmoniques de Debussy.
Deux pièces composées spécialement pour la Maîtrise de Toulouse complètent ce programme. De Patrice Libes, né en 1960, les Litanies se nourrissent d’une riche polyphonie qui déploie jusqu’à dix voix. Enfin, In manus tuas, Domine est l’œuvre de Marc Bleuse, qui fut le directeur du Conservatoire de Toulouse à l’origine de la création de cette Maîtrise et du recrutement de Mark Opstad. Quatre parties composent cette pièce très développée destinée à un chœur d’enfants de trois à huit voix, deux voix solistes et timbales (jouées ici par Jean-Loup Vergne). Les membres du chœur, ainsi que les belles voix solistes, réalisent une véritable performance dans cette œuvre techniquement difficile d’intonation et profondément expressive.
Au chœur se joignent, suivant les pièces, Géraldine Bruley à la viole de gambe et William Whitehead à l’orgue.
Voici donc une parution qui confirme la qualité d’un chœur devenu digne des grandes formations équivalentes du pays de cocagne de ce type de phalanges vocales, la Grande Bretagne.