Disques

Méditerranée, mère sacrée

Le répertoire incroyablement étendu du Chœur de chambre les éléments et de son directeur musical Joël Suhubiette les destinait à se lancer dans le programme ambitieux de cette toute récente et passionnante parution. Le nouvel album CD de cet ensemble vocal hors norme plonge dans l’histoire musicale sacrée des civilisations méditerranéennes.

 
La perspective de cette entreprise audacieuse consiste à laisser dialoguer les époques, les styles, les langues, les religions. La diversité des expressions n’en suggère pas moins l’existence d’un fil conducteur qui n’a cessé de se dérouler au cours des siècles. Ainsi se parlent les civilisations et les cultes. La confrontation frappe l’esprit et le cœur. Le témoignage le plus ancien « O virgo splendes » est extrait du « Llibre Vermell de Montserrat », les plus récents sont dus au compositeur grec Alexandros Markeas et au compositeur libanais Zad Moultaka avec lequel l’ensemble vocal a tissé des liens étroits.

La palette des langues explore les pays comme les siècles : du latin au syriaque, en passant par l’hébreu, l’arabe, ou le grec ancien. Les audaces d’écriture ne sont pas l’apanage des seules œuvres contemporaines. Les mélismes saisissants de la pièce « O vos omnes » de Gesualdo, qui ouvre ce recueil, donne le ton de ce voyage dans le temps et l’espace. Subtilité de l’ordre choisi pour la succession des pièces, l’hypnotique « Ave Maria » qui suit, bien que signé du compositeur italien Giacinto Scelsi, mort en 1988, n’opère en rien une rupture. Les langages se donnent la main par delà les siècles. L’auditeur est ainsi happé par la magie de musiques cousines et pourtant diverses, ferventes et prodigieusement évocatrices. Le langage de Zad Moultaka, auquel Joël Suhubiette nous a habitués, notamment grâce à la récente création à Toulouse de la « Passion selon Marie », s’insère tout naturellement dans la démarche, tout en marquant sa personnalité. Seuls peut-être les trois fragments des « Bacchantes », d’Alexandros Markeas, né en 1965, assument une singularité frappante. Cette passionnante confrontation des soupirs, des respirations, au chant et à la voix parlée ménage comme un étonnant sas dynamique de décompression au sein de ce programme imprégné de recueillement. L’émouvante conclusion sur « Lama Sabaqtani » de Zad Moultaka referme ce cycle sur une véritable performance vocale des membres de cet ensemble décidemment d’une qualité hors du commun : beauté des voix, justesse, précision, engagement de chacune et de chacun. Une expérience à mener.

Les 8 et 9 novembre 2011, ce programme est offert aux Toulousains en concert dans la chapelle de l’Hôtel-Dieu où s’est précisément effectué cet enregistrement.

Signalons enfin que cet enregistrement a reçu le soutien du Conseil Régional Midi-Pyrénées et l’aide technique du Groupe de Musique Expérimentale d’Albi (centre national de création musicale).

Partager