Au moment où on apprend que le Progetto Lugano de la grande Martha Argerich pourrait bien devoir s’arrêter du fait du retrait de son mécène principal, la quatorzième édition de ce projet paraît sous la forme d’un nouveau coffret de 3 CDs. Rappelons que chaque printemps voit refleurir sur les rives du lac de Lugano ce rassemblement, autour de la grande pianiste argentine, de jeunes artistes qui possèdent en commun avec elle un certain sens musical du partage et de l’amitié. C’est à la musique de chambre que se consacrent essentiellement les musiciens réunis dans la belle cité de la Suisse italienne qui bruisse ainsi d’une convivialité musicale inouïe.
L’édition 2015 rassemble encore de grands artistes internationaux dont certains ont acquis la notoriété grâce à leur participation à ce projet. Parmi les « stars » du clavier de cette année-là, on retrouve, autour de Martha Argerich, des artistes aussi réputés que Stephen Kovacevich, Nicholas Angelich, Lilya Zilberstein ou Sergio Tiempo. A leur côté apparaissent des noms un peu moins connus ou à découvrir comme Akane Sakai, Jura Margulis, Alexander Mogilevsky, Eduardo Hubert, Giorgia Tomassi ou Karin Lechner…
Issus du monde entier, ces pianistes s’associent à des musiciens d’autres disciplines, comme le clarinettiste Paul Meyer, le violoncelliste Gautier Capuçon et une palette d’artistes de tous horizons : violonistes, altistes, violoncellistes de grand talent…
A la découverte d’interprètes nouveaux ou confirmés s’ajoute celle de compositions rares qui viennent compléter les chefs-d’œuvre incontestés. Parmi ces derniers, on retrouve avec bonheur quelques-unes des partitions phares de Brahms, comme le Trio op. 40, le Scherzo de la Sonate FAE, le Trio pour clarinette, violoncelle et piano, et quelques belles partitions signées Schubert, Poulenc, Turina ou Bartók. La Suite En blanc et noir, pour deux pianos, de Debussy, jouée avec énergie et poésie par le duo Argerich-Kovacevich constitue l’un des grands moments de ce programme. Les révélations sont multiples. Du Quintette avec piano du très romantique Ferdinand Ries à la Suite pour deux pianos et orchestre de l’Argentin Luis Bacalov (avec l’Orchestre de la Suisse Italienne dirigé par Alexandre Vedernikov), en passant par la transcription pour trois pianos des Danses, extraites de la suite Estancia d’Alberto Ginastera ou encore l’inattendue et rare Suite Les enfants terribles de Philip Glass, la curiosité du mélomane est agréablement titillée.
Tous les enregistrements sont issus des concerts eux-mêmes. La qualité technique se hisse au niveau de la vitalité irrésistible des interprétations. Il serait non seulement triste mais également navrant que des rencontres de cette qualité ne puissent se poursuivre par faute de financement. Souhaitons longue vie au projet Martha Argerich and Friends !