Composés en 1950-51 en hommage au « Clavier bien tempéré » de Johann Sebastian Bach, à l’occasion du bicentenaire de sa mort, les 24 Préludes et Fugues de Dimitri Chostakovitch constituent un grande première dans la musique russe. Son admiration pour le compositeur saxon, considéré comme le père fondateur de la musique occidentale, a inspiré à Chostakovitch ce recueil conçu, comme son modèle, pour toutes les tonalités possibles.
Néanmoins, contrairement à Bach, le compositeur russe organise ces tonalités par quintes et tons relatifs. Créés en 1951 par la grande Tatiana Nikolaeva, ce vaste cycle intimide les interprètes par son ampleur et le pouvoir d’imagination qu’il requiert. Voici un enregistrement de la pianiste franco-lituanienne Mûza Rubackyté. Formée à la prestigieuse école russe du Conservatoire Tchaïkovski de Moscou, elle remporta notamment, en 1981, le Grand Prix du Concours international de piano de Budapest Liszt-Bartók.
Mûza Rubackyté aborde ce vaste cycle avec l’humilité d’une véritable musicienne. Elle différentie avec minutie chacun des 24 numéros en caractérisant chacun d’eux avec soin. Les couleurs qu’elle y déploie sont celles du terroir qui les inspire. Sensible et raffinée, son interprétation éloigne la tonalité si particulière de ce recueil de la noirceur et du désespoir qui habitent les grandes œuvres symphoniques de Chostakovitch. Un talent à suivre avec attention.