Disques

L’Espagne colorée de Patricia Petibon

La publication du dernier album de Patricia Petibon « Melancolia » coïncide avec son passage à Toulouse pour un concert inspiré du même programme. Alors qu’à Toulouse elle chantait avec l’Orchestre National du Capitole dirigé par Josep Pons, son CD d’airs et de chansons espagnols, mais pas seulement, bénéficie de la participation de l’Orquesta Nacional de España, dirigé par le même Josep Pons, particulièrement spécialiste de ce répertoire.

Le titre de l’album ne reflète pas la totalité du caractère général de la musique qu’il contient, oscillant entre la joie, l’ironie, la nostalgie et le drame. Il se justifie néanmoins par la présence d’une création attachante, un cycle de quatre mélodies du compositeur français d’aujourd’hui Nicolas Bacri (né en 1961), sur des textes espagnols d’Álvaro Escobar-Molina. Nicolas Bacri, aguerri dans tous les styles de composition, de l’atonalité à la tonalité, est de ceux qui ne s’attachent pas aux dogmes ou aux écoles, mais sait adapter la technique musicale au propos qu’il illustre.

Avec cette œuvre nouvelle, intitulée Melodias de la melancolia et dédiée à Patricia Petibon, il s’intègre parfaitement dans ce panorama ibérique, en adopte les accents et les couleurs. Lors de la création française de l’œuvre à Toulouse, le 3 novembre dernier, j’avais noté : « Avec la création française de « Melodias de la melancolia » du compositeur français Nicolas Bacri, le public découvre une musique d’aujourd’hui d’une grande force expressive, d’une richesse harmonique étonnante qui s’appuie sur un admirable déploiement de couleurs, dans une tonalité parfaitement respectée. Les quatre mélodies, modestement qualifiées de « chansons », qui composent ce cycle illustrent les poèmes violents, presque expressionnistes, de Álvaro Escobar-Molina. « A la mar » (En mer), déroule sa plainte déchirante, alors que « Silencio mi nino » (Silence mon enfant), comme une douce berceuse, émeut par sa simplicité. Le drame ressurgit avec « Hay quien dice… » (Certains disent…), alors que la dernière mélodie, « Solo » (Seulement) exprime la mélancolie d’un certain renoncement. Admirable Patricia Petibon dont la voix et le timbre collent aux paroles autant qu’à la musique. » Le présent enregistrement confirme ces impressions que l’écoute répétée ne fait que confirmer.

Le reste de ce panorama témoigne d’une incroyable variété de climats et d’expressions. De la sensualité souriante du Canto negro, extrait des Cinco canciones negras de Xavier Montsalvatge, à l’irrésistible effervescence comique de La tarántula é um bicho mú malo de Gerónimo Giménez, en passant par la douleur extrême de « Vivan los que rient ! » extrait de La vida breve de Manuel de Falla, la cantatrice joue les caméléons vocaux. L’ampleur gagnée par sa voix, son agilité conservée lui permettent une palette expressive élargie. On apprécie en particulier l’incursion extra-espagnole de la Bachiana Brasileira n° 5 d’Heitor Villa-Lobos. Josep Pons et son Orquesta Nacional de España fournissent à Patricia Petibon un commentaire juste et vrai.

Voici un album qui peut s’écouter et se réécouter in extenso sans qu’aucune lassitude de vienne en ternir le contenu. Du plaisir simple et direct !

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