Disques

Les mémoires d’un amnésique !

L’étrange compositeur d’Arcueil a marqué le tournant du XXème siècle de son originalité obstinée. Considéré comme une sorte d’OVNI de la composition, Erik Satie s’est peu à peu acquis une réputation d’incontournable. Pour la première fois paraît enfin une véritable intégrale de son œuvre. Erato réunit là, dans un coffret de 10 CDs, l’ensemble des pièces pour piano, pour orchestre, pour le théâtre que le compositeur a conçues tout au long d’une vie pleine de mystère et d’étrangeté.
Considéré comme « pas doué » par ses professeurs du Conservatoire, Satie effectuera une valse-hésitation autour de cet établissement respectable sans convaincre vraiment. Sa rencontre décisive avec Debussy le confortera dans sa vocation de compositeur. Il restera néanmoins toujours en marge de la société des hommes et des artistes. Lorsqu’on examine la liste exhaustive des pièces enregistrées ici, on constate la brièveté moyenne de chaque partition. La plupart d’entre elles se situent autour d’une minute. Pourtant, il composa, sous l’effet d’une grande déception amoureuse, Vexation, constituée d’un motif bref et sec, destinée à être jouée 840 fois de suite et durant ainsi, selon le tempo choisi, de 12 à 24 heures environ !…

Les titres qui constituent cette même liste évoquent une sorte d’énumération à la Prévert qui témoigne d’un humour froid et d’une imagination particulièrement fertile.

Ainsi, cette compilation s’ouvre sur une fanfare pour deux trompettes intitulée « Sonnerie pour réveiller le bon gros Roi des Singes (lequel ne dort toujours que d’un œil) ». Au fil du coffret, on va des « Véritables préludes flasques pour un chien » à la très édifiante « Tyrolienne turque », en passant par cette « Peccadille importune » titrée : « Profiter de ce qu’il a des cors aux pieds pour lui prendre son cerceau »…

Pourtant, le contenu musical de chacune de ces pages ne reflète en rien l’évocation iconoclaste du titre.

Erato rassemble ici tous les enregistrements de la firme, mais également tous ceux réalisés sous la bannière EMI. Quelques compléments viennent s’ajouter à cette somme dominée par l’indispensable contribution d’Aldo Ciccolini. C’est le cas de l’inénarrable Sonate bureaucratique jouée par Michel Legrand et commentée par Raymond Devos. Cinq des disques de ce coffret sont en effet consacrés au piano. Outre Ciccolini, Gabriel Tacchino et Anne Queffélec participent à cette intégrale. Alexandre Tharaud a tout spécialement gravé pour ce coffret deux pièces pratiquement inédites de moins de deux minutes chacune. Signalons que les partitions les plus célèbres, les Gymnopédies et les Gnossiennes sont présentes dans leur version originale pour piano mais également dans les orchestrations réalisées par Debussy (Gymnopédies n° 1 et 2) et par Poulenc (Gymnopédie n° 3 et Gnossienne n° 3).

Les œuvres orchestrales et chorégraphiques rassemblent des versions déjà connues et appréciées, comme celle du ballet Parade, que dirige une personnalité chère au cœur des Toulousains, Louis Auriacombe. La musique de chambre, les mélodies et les pièces vocales en général rassemblent des artistes rompus au style « satien », comme Mady Mesplé ou Gabriel Bacquier. Figure également dans ce coffret la très rare et rocambolesque comédie lyrique intitulée Le piège de Méduse. Le comédien Pierre Bertin y est irrésistible de drôlerie, notamment dans cette réplique devenue historique : « Mon jeune ami, savez-vous danser sur un œil ? »

Tout Satie enfin révélé !

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