Disques

Le swing d’Alexandre Tharaud

Il n’est pas seulement un grand interprète de Rameau et de Ravel. Sous ses allures de jeune homme sage, pâle et bien rangé, Alexandre Tharaud cache un tempérament plein de fantaisie et d’imagination.

Inspiré par les activités d’un grand-père violoniste à l’Orchestre Colonne, mais également animateur de brasseries et de bals populaires, le pianiste brosse ici le portrait musical d’un lieu légendaire, le fameux Bœuf sur le Toit. De 1922 à 1927 ce cabaret mythique au 28 de la rue Boissy d’Anglas ménageait les rencontres les plus improbables entre artistes de tous horizons. Le jazz y fait son apparition, ce qui n’est pas sans influencer quelques grands compositeurs comme Ravel, Satie, Milhaud ou Stravinski.

Avec ce recueil de pièces étonnantes, Alexandre Tharaud révèle un répertoire effervescent, cocktail pétillant, et rend ainsi un hommage mérité au grand pianiste iconoclaste Jean Wiéner. Et à son compagnon de route Clément Doucet. Puisant dans le riche creuset des partitions laissées par ces deux compères il reconstitue avec adresse un florilège de pièces particulièrement savoureuses et chaloupées. Il bénéficie pour cela de la participation de quelques artistes de tous horizons. Le pianiste Frank Braley l’épaule avec brio dans les morceaux à deux pianos ou à quatre mains. Natalie Dessay y murmure un blues de Jean Wiéner, Juliette joue les chanteuses réalistes, Bénabar ressuscite l’accent « anglais » de Maurice Chevalier, Madeleine Peyroux évoque Cole Porter dans un Let’s do it plus vrai que nature. Quant au comédien Guillaume Galienne, il retrouve le ton léger de Henri, pourquoi n’aimes-tu pas les femmes ? Et puis quelques pépites réjouiront (ou scandaliseront) les puristes, comme cet Isoldina de Clément Doucet qui reprend les thèmes du drame wagnérien de la plus impertinente façon, ou ce Five o’clock de Ravel, tiré du fameux fox trot de L’Enfant et les sortilèges, ou encore ce titre, Chopinata, qui ouvre l’album sur un hommage irrévérencieux à Chopin. Cet album s’écoute dans la continuité, le sourire aux lèvres. Tout cela fait un bien fou !

Partager