Auteur de deux concertos pour violon et orchestre très différents l’un de l’autre, Béla Bartók reste l’un des compositeurs les plus intensément émouvants de la Mitteleuropa. Renaud Capuçon, dont on admire autant la beauté sonore que l’engagement expressif de ses interprétations, donne ici sa vision originale de ces deux partitions.
Composé en 1907-1908, le premier des concertos pour violon de Bartók reste associé à son amour malheureux pour la jeune violoniste Stefi Geyer. Les deux mouvements de cette partition de relative jeunesse, à l’image du Concerto à la mémoire d’un ange, d’Alban Berg, se conçoivent comme un portrait de la jeune fille.
Si l’œuvre ne possède pas l’envergure musicale et expressive du second concerto, elle n’en contient pas moins de beaux élans chargés d’une touchante effusion.
Dès les premières mesures de l’Andante sostenuto, Renaud Capuçon en exhale la nostalgie, soutenue par un sens de l’harmonie et de la couleur qui le compositeur développera plus tard, certes, avec plus d’intensité. Le contraste ménagé par l’Allegro giocoso apporte enfin un sourire plein de vitalité après les clairs obscurs du premier volet.
Avec le second concerto, daté de 1937-1938, le compositeur s’émancipe de la tradition romantique à la Brahms et atteint une invention et un pouvoir expressifs admirables, ainsi qu’une imagination rare. L’Allegro non troppo s’ouvre progressivement sur cet étrange mélange de rêverie, de méditation et d’épanchement. L’entrée du violon se garde de toute agressivité. Le soliste privilégie le chant, alors que l’orchestre, subtilement dirigé par François-Xavier Roth, lui donne une réplique mesurée, consistante, dynamique et pleine de ces riches couleurs dont le LSO est coutumier. Pris dans un tempo soutenu, l’Andante tranquilo oppose la touchante nostalgie du violon et le lyrisme compatissant des larges phrases orchestrales. Là aussi les échanges évoquent une discussion entre amis chers. Une sorte de passion lumineuse éclaire le final Allegro molto. Finesse et sensualité animent ce mouvement avec d’étranges silences qui apportent leur lot de mystère. Cette vision plus hédoniste que tragique confère à ce chef-d’œuvre un caractère personnel dans lequel domine la beauté sonore indéfectible du violon.