Aujourd‘hui âgée de 90 ans, la Roumaine Virginia Zeani figure parmi les légendes, encore de notre monde, du siècle passé. Et l’on se demande quel théâtre n’a pas eu la chance d’accueillir sa Violetta, un rôle dans lequel elle s’est illustrée plus de 600 fois, accompagnée des plus grands ténors, dont Alfredo Kraus plus de 200 fois ! Cette élève de l’immense Aureliano Pertile fit d’ailleurs ses débuts avec cet opéra en 1948. Elle a alors 23 ans ! Ce n’est pas pour autant qu’elle va se cantonner à Verdi. Sa carrière s’achève en 1983, preuve d’une technique vocale sans faille, et va lui faire croiser un répertoire d’une étonnante variété, incluant Haendel, Wagner, Puccini, Rossini, Bellini, Donizetti, Tchaïkovski, Massenet, Bizet, etc.
DECCA nous propose ici le passage en CD regroupant deux de ses récitals, l’un datant de 1956, dirigé par Gianandrea Gavazzeni à la tête de l’Orchestre du Mai Musical Florentin, l’autre de 1958, dirigé par Franco Patané à la tête de l’Orchestre de l’Académie Sainte Cécile de Rome, ce dernier étant entièrement consacré à Puccini.
Globalement, le programme de ce CD nous présente Virginia Zeani dans ses grands rôles : Lucia, Amina, Elvira (I Puritani), Violetta, Mimi, Lauretta, Liu, Cio Cio San, Suor Angelica, Manon (Manon Lescaut), Tosca et Magda.
Autrement dit la quintessence de sa carrière et au faîte de son art. Ce qui est surprenant au premier abord, car tellement rare de nos jours, est la parfaite homogénéité des registres, ces derniers, idéalement soudés, culminent sur une quinte aigüe d’une parfaite rondeur. L’évidence de ce talent unique s’impose ensuite à l’écoute de ce timbre clair et lumineux, ce phrasé exemplaire, cet appui inébranlable jusque dans les plus longs phrasés et les piani les plus suaves, cet art aussi de l’ornementation et cette perpétuelle musicalité dont elle pare chaque note. Et puis, il y a l’artiste, celle qui en deux mots, trois notes, sait planter un personnage, une situation dramatique. Ceux qui se souviennent encore de sa dernière apparition au Théâtre du Capitole en 1955 dans Violetta nous disent combien elle était unique de virtuosité et d’émotion conjuguées.
Ce CD est un témoignage d’un autre temps, certes, mais aussi une vibrante leçon d’un grand art disparu, un grand art qui n’avait pas besoin des artifices d’un metteur en scène pour exister.
Un bémol cependant à ce disque indispensable au demeurant. La plaquette qui l’accompagne est tout simplement lamentable. Tout d’abord, dans les séances d’enregistrement, il n’est pas question des plages 1 à 4 (?), ensuite la dernière de couverture est totalement illisible. Et pour couronner le tout, sur les deux cahiers que forment cette pseudo-plaquette, trois pages sont… vierges ! Virginia Zeani méritait mieux.