Disques

La résurrection du baroque méridional

L’Orchestre Baroque de Montauban, Les Passions, (qui célèbre les trente ans de sa fondation), et le Chœur de chambre les éléments (fondé et dirigé par Joël Suhubiette), s’associent ici pour cette résurrection de quelques chefs-d’œuvre d’un grand maître du baroque méridional, injustement oublié de nos jours, Antoine-Esprit Blanchard (1696-1770). Jean-Marc Andrieu, le maître d’œuvre de cette nouvelle naissance, à la tête des deux formations, maîtrise parfaitement depuis longtemps ce répertoire qu’il pratique avec intelligence et sensibilité. Sous le titre « Magnificat à la Chapelle Royale » sont gravés ici trois motets à grand chœur : le Magnificat, le De Profundis et In exitu Israël.
Né en Provence, Antoine-Esprit Blanchard a connu une trajectoire de premier plan qui l’a amené à présider aux destinées de la fameuse Chapelle Royale de Versailles. En 1717, âgé de 21 ans il devient maître de musique à l’Abbaye Saint-Victor de Marseille. Il est ensuite nommé à la Cathédrale de Toulon, poste qu’avait aussi occupé André Campra, puis à l’église métropole de Besançon en 1735 et enfin à la Cathédrale d’Amiens. Dès 1732 certaines de ses œuvres sont exécutées au Concert Spirituel. L’audition devant Louis XV, en 1737, de son motet Laudate Dominum semble avoir décidé de sa promotion à la Chapelle Royale l’année suivante. C’est en 1738 qu’il succède en effet comme sous-maître à Nicolas Bernier et ce jusqu’à l’année de sa mort en 1770.

Les trois motets gravés ici sont le résultat d’une restitution dont s’est chargé Jean-Marc Andrieu lui-même, à partir des partitions conservées à la Bibliothèque Nationale. Comme les sources ne précisent pas toujours l’instrumentation de ces pièces, le chef des Passions a dû la reconstituer en se basant sur l’usage de l’époque, sur les tessitures et les ambitus des différentes parties. Expert en la matière, du fait de sa familiarité avec ce répertoire, Jean-Marc Andrieu a habilement distribué l’instrumentarium disponible.

Outre l’utilisation subtile des cordes et des vents, on découvre avec délice le recours, parmi les pupitres de vent, au serpent dont l’étrange sonorité épice joliment les partitions.

Dans son Magnificat à grand chœur qui ouvre cette gravure, s’exprime immédiatement comme un rythme de danse. Le sacré tend la main au théâtre. La succession d’épisodes courts et caractéristiques anime la progression d’une joie communicative. Le duo de dessus (ici deux sopranos : Anne Magouët et Cécile Didon-Lafarge) dans l’Esurientes implevit bonis s’écoute comme un jeu. Les échanges vocaux du De Profundis entre le petit et le grand chœur réalisent un bel équilibre après l’atmosphère inquiétante du chœur d’ouverture.

Le très consistant motet In Exitu Israël, qui date de 1749, va encore plus loin dans la sécularisation de l’art sacré. Cette fresque colorée qui décrit donc l’exode hors d’Égypte des Hébreux sonne comme un opéra, ou même comme une musique d’images. Chaque épisode de ces aventures bibliques fantastiques est décrit avec une imagination, un sens de la représentation, de l’imitation même, qui surprennent. La séparation des eaux de la mer Rouge, le tremblement de terre, le flux des eaux qui coulent du rocher frappé par Moïse, sonnent avec un réalisme de poème symphonique, et ici vocal. L’emploi de deux cors naturels et de timbales en peau, pour la première et la dernière des séquences du motet, encadre l’œuvre et lui confère une saveur particulière.

Cette exécution bénéficie en outre d’un beau quatuor de solistes vocaux. Le timbre fruité et chaleureux de la soprano Anne Magouët, la richesse de celui du ténor Bruno Boterf, la tessiture exacte de « haute-contre à la française » de François-Nicolas Geslot, et l’éloquence chaleureuse de la basse Alain Buet ponctuent de leurs interventions ces trois motets rarement ou pas enregistrés jusque-là.

La qualité de l’ensemble instrumental ainsi que celle du chœur rendent pleine justice à ce compositeur délaissé dont la résurrection doit tant à Jean-Marc Andrieu, l’artisan infatigable de la défense de ce patrimoine méridional. Ce beau livre-disque a reçu, en outre, le label « Le choix de France Musique ».

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