Disques

La malle aux trésors !

Le 25 mars 1918, Claude Achille Debussy mourrait à Paris d’un cancer. Il n’avait que 56 ans. Le centenaire de cet événement donne lieu à de multiples célébrations, au concert comme dans l’édition discographique. Sans contestation possible, c’est Warner Classics qui réalise la plus importante des rétrospectives. Un généreux coffret de 33 CDs rassemble l’intégrale absolue de l’œuvre de ce génial inventeur de musique. Un véritable trésor aux incroyables ramifications.
Cette compilation rassemble des enregistrements issus de sources diverses, la majorité d’entre eux stéréophoniques, certains très récents, la plupart ayant fait l’objet de publication au cours de la deuxième moitié du XXème siècle chez EMI, chez Erato et certains provenant d’autres sources éditoriales comme la Deutsche Grammophon Gesellschaft. La forêt touffue de cette intégrale bénéficie en outre d’un livret d’accompagnement remarquable et d’un classement intelligent qui en facilitent la consultation. Ainsi, les six premiers CDs sont consacrés à la musique, si riche, pour piano seul. On y retrouve avec bonheur de grandes et belles interprétations comme celle des Préludes par le grand Yuri Egorov, trop tôt disparu. Mais on y côtoie également le gratin des pianistes comme Aldo Ciccolini, le légendaire Samson François ou l’excellent Pierre-Laurent Aimard…

Les pièces pour piano à quatre mains et pour deux pianos y sont parfaitement identifiées et permettent de retrouver les grands duos de l’histoire de l’enregistrement discographique, comme Christian Ivaldi et Noël Lee, ou Michel Béroff et Jean-Philippe Collard, Jean-François Hesser et Georges Pludermacher, Martha Argerich et Lilya Zylberstein… Impossible de les citer tous ici.

Autre rubrique fascinante, celle qui réunit la totalité des œuvres de musique de chambre. Les enregistrements les plus récents y côtoient les légendes. Ainsi, le Quatuor en sol mineur est gravé par le jeune Quatuor Ebène et on retrouve notamment Renaud Capuçon, Edgar Moreau, Bertrand Chamayou, pour d’autres pièces. Du côté des légendes, le pianiste Jacques Février, le flûtiste Michel Debost, l’immortelle harpiste Lily Laskine…

Les partitions pour orchestre occupent cinq CDs, depuis la Première Suite qui date de 1883, jusqu’à Jeux (1913). Les grandes interprétations y foisonnent, comme celles des légendes du passé, notamment les chefs « historiques » Jean Martinon ou André Cluytens. On y retrouve avec une certaine fierté la contribution de l’Orchestre du Capitole de Toulouse (pas encore national), sous la direction de Michel Plasson avec François-René Duchâble dans la deuxième version de la Fantaisie pour piano et orchestre. Le Philharmonia Orchestra, dirigé par Carlo Maria Giulini, se charge avec panache des Nocturnes et de La Mer. Sir Simon Rattle et son City of Birmingham Symphony Orchestra font date dans les Images pour orchestre.

Cinq CDs rassemblent les innombrables mélodies de ce maître de la parole en musique. Mady Mesplé, Elly Ameling, la jeune Barbara Hendricks, mais aussi le légendaire Gérard Souzay, et plus près de nous Véronique Gens, Magali Léger, Natalie Dessay et même Philippe Jaroussky y participent… Quelques raretés sont révélées dans la section des œuvres chorales. Plusieurs versions du célèbre Enfant prodigue voisinent avec l’étonnante cantate Le Gladiateur.

La rubrique opéra ne se limite pas à l’emblématique Pelléas et Mélisande. La comédie lyrique Diane au bois et surtout l’opéra inachevé Rodrigue et Chimène, dans sa version de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon dirigé par Kent Nagano seront pour de nombreux mélomanes des découvertes. La version originale et complète du Martyre de Saint-Sébastien reparaît enfin sous la direction mémorable d’André Cluytens avec de grands noms de chanteurs comme Rita Gorr ou Solange Michel… Mais on admire la version de ce Pelléas dirigée par Armin Jordan avec Rachel Yakar et Eric Tappy. A redécouvrir la poésie dramatique de cet emblème de l’opéra français.

Il faut également noter que figure ici l’intégrale des transcriptions pour orchestre de certaines œuvres pour piano de Debussy, soit par lui-même, soit par d’autres compositeurs, notamment André Caplet mais aussi… Maurice Ravel ! On trouve également les transcriptions de Debussy d’œuvres d’autres compositeurs, Erik Satie, bien sûr, mais plus surprenant des transcriptions pour piano à quatre mains ou deux pianos d’extraits du Lac des Cygnes de Tchaïkovski et du Vaisseau Fantôme de Wagner ! Etonnant n’est-ce pas ?

Quelques pièces inédites, jamais publiées pimentent cette unique véritable intégrale. C’est notamment le cas de cette réduction pour piano signée Debussy lui-même de son poème chorégraphique Jeux.

Enfin signalons l’émouvant contenu du dernier CD de la collection consacré au seul enregistrement acoustique du compositeur au piano accompagnant Mary Garden, la créatrice du rôle de Mélisande, dans un extrait de cet opéra. Sont également gravées sur ce même disque quelques pièces pour piano enregistrées par le compositeur utilisant le procédé des rouleaux Welte-Mignon. Comme pour un retour aux sources.

On l’aura compris, cette parution est un véritable joyau, une vaste pépite à un prix dérisoire, que tout mélomane sensible à la musique de Debussy ne peut ignorer !

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