Disques

Il était une fois un petit âne gris…

« Petit, velu, doux… mais avec des yeux durs comme le cristal noir. » C’est ainsi que l’Andalou Juan Ramón Jiménez, prix Nobel de Littérature en 1956, présente l’âne Platero. Il le fait dans un mémorable recueil de cent trente-huit poèmes en prose intitulé Platero y yo, le plus célèbre des récits du poète espagnol. Sous-titré Élégie andalouse, ce recueil décrit la vie et la mort de l’âne Platero, compagnon du poète, prétexte à une évocation de la vie andalouse, sa nature environnante, celle du village natal de Jiménez, Moguer. Platero est aussi l’emblème de l’âne andalou, méditerranéen, et au-delà, de l’animal domestique universel, à la fois outil de travail, moyen de transport mais aussi compagnon, ami et confident.

 
De ce vaste recueil le compositeur florentin Mario Castelnuovo-Tedesco, disparu en 1968, a extrait vingt-huit chapitres qu’il a mis en musique d’une manière particulière. Il a simplement associé à la voix parlée du narrateur une partition de guitare destinée à l’accompagner. Il s’agit ni plus ni moins que de revisiter la forme du mélodrame, tel qu’il fut pratiqué par les romantiques. Dans ce recueil, chaque texte poétique est soutenu par une partition de guitare très raffinée et évocatrice.

Il est vrai que Castelnuovo-Tedesco a toujours entretenu des relations étroites avec la poésie espagnole. Le commentaire musical qu’il a conçu pour ces émouvants poèmes colle véritablement aux atmosphères imaginées par Jiménez. Nostalgie, tendresse infinie, joies simples imprègnent ces pièces qui évoquent la vie quotidienne à Moguer, ainsi que les petites et grandes émotions qu’elle apporte.

L’éditeur a eu l’excellente idée de publier deux versions de ce double album. L’une correspond à la version originale, en espagnol, des poèmes de Jiménez, l’autre à sa traduction française, la partition de guitare et son exécution restant bien évidemment les mêmes dans les deux parutions. Miguel Angel Romero en assume l’intimisme et la poésie avec une musicalité admirable. Le texte, dans les deux versions, est habilement déclamé par Clément Riot dont la voix épouse la prosodie de la plus touchante façon, aussi bien en français qu’en espagnol. Tout cela s’écoute comme une tendre confidence.

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