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Dialogues hongrois

La grande pianiste lituanienne Mūza Rubackytė occupe une place privilégiée dans l’interprétation de la littérature pour clavier de Franz Liszt. Ce nouvel album réunit des enregistrements réalisés en public dans cette capitale chère au cœur de la pianiste, Vilnius. Elle aborde ici un monde culturel d’Europe centrale lié à la Hongrie, pays profondément musical qui, outre Franz Liszt, a vu naître le grand Béla Bartók, tous deux présents sur cet album, avec une touche autrichienne, celle du tendre Schubert.
Mūza Rubackytė est ici accompagnée par deux formations majeures de son pays d’origine, le Lithuanian National Symphony Orchestra et le Mettis String Quartet. Le programme de ce nouvel album s’ouvre sur une œuvre de jeunesse de Franz Liszt, Malédiction, composée entre 1830 et 1840 pour piano et orchestre à cordes. La version de chambre choisie par les musiciens lituaniens associe le piano à un quintette à cordes constitué ici des membres du Quatuor Mettis auxquels se joint le contrebassiste Donatas Bagurskas. L’ensemble évoque ce qui pourrait être un concerto pour piano dont les musiciens soulignent la vitalité et l’exaltation du fantastique sous lequel Liszt va placer une part importante de sa production.

Avec la Wanderer Fantasia, de Franz Schubert dans l’arrangement pour piano et orchestre de Franz Liszt, le Lithuanian National Symphony Orchestra entre en scène.

Même si Schubert, l’introverti, et Liszt, le rayonnant, représentent deux faces opposées du monde musical, le virtuose flamboyant trouve dans l’œuvre de son sensible prédécesseur une matière musicale qu’il sait habilement transposer. Les quatre mouvements de ce qui, ici aussi, suggèrent un concerto, sont habilement défendus par les interprètes.

L’élan vital dont fait preuve Mūza Rubackytė se communique à l’orchestre. Les moments plus intimes trouvent également leur épanouissement dans le déroulement de cette quête du bonheur. Le chef d’orchestre vénitien Renato Balsadona place la phalange lituanienne au service d’un piano coloré et poétique à la fois. Le final constitue une sorte d’apothéose obsessionnelle autour du thème générateur.

Pour le concerto n° 3 de Béla Bartók, le même orchestre lituanien est dirigé par le chef américain Stefan Lano. La pianiste et son accompagnement abordent l’œuvre avec retenue et émotion. IL est vrai que cette partition constitue un hommage du compositeur, malade et conscient de sa mort prochaine, à son épouse Ditta Pásztory. Le rêve, la mélancolie, la poésie s’y expriment avec une pudeur touchante. C’est bien ainsi que les interprètes conçoivent et délivrent ce 3ème concerto, bien différent de ses deux prédécesseurs.

Voici un programme contrasté qui confirme la place importante de la pianiste parmi les virtuoses du moment et celle qu’occupe son pays d’origine dans le « concert » des nations.

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