Disques

Danse en blanc et noir

Il fut une révélation du festival Piano Jacobins 2013. A vingt-deux ans à peine, le pianiste britannique Benjamin Grosvenor s’est déjà forgé une belle réputation dans le monde pourtant bien fourni des jeunes artistes du clavier. Adepte des programmes de récital ouverts et variés, le voici qui offre, pour son troisième album CD, une farandole de pièces basées sur la danse. La danse au sens le plus large et le plus généreux. De Bach à Morton Gould, l’éventail des styles ne saurait être plus large !

Tout au long de ce récital on retrouve avec un plaisir sans mélange la perfection d’une technique pianistique impressionnante. Une technique qui ne se borne pas à savoir jouer plus vite et plus fort que les autres. Cette technique-là inclut un sens aigu de la couleur, du phrasé, de l’agogique. Son clavier prend ici des allures de palette de peintre.

Le socle sur lequel se construit ce programme intelligemment conçu n’est autre que la grande Partita n° 4 en ré majeur de Johann Sebastian Bach.

L’élégance de l’Ouverture, les subtilités de l’Allemande et l’habileté avec laquelle l’interprète enchaîne les mouvements de danse qui suivent en disent long sur le contrôle avec lequel s’exerce une musicalité faite de séduction et d’intelligence. De Frédéric Chopin, Benjamin Grosvenor effleure le monde de la polonaise (Andante spianato et Grande Polonaise brillante, puis Polonaise en fa dièse mineur) avec une grâce légère et intense à la fois. Il prolonge cette approche dans trois des Dix Mazurkas de l’opus 3 ainsi que la Valse en la bémol majeur, d’Alexandre Scriabine, si organiquement liées à Chopin. Dans les huit Valses poéticos d’Enrique Granados l’interprète déploie l’admirable fluidité de son toucher, ainsi qu’une tendresse qui vient souligner les indications mêmes du compositeur, comme elegante ou sentimental.

Les trois dernières pièces de cet album ouvrent sur le monde de la paraphrase et de la fantaisie. La partition la plus célèbre du Polonais Adolf Schulz-Evler brille de mille feux sous les doigts du jeune pianiste. Cette Arabesque sur des thèmes de Johann Strauss « An der schönen blauen Donau » ne se limite pas à une démonstration purement digitale, réelle certes. Benjamin Grosvenor n’y fait aucune concession à la musicalité. Après une incursion latine dans la fameux Tango d’Isaac Albeniz, il se lâche finalement dans une Boogie-Woogie Etude de Morton Gould, échevelée, qui conclut cette passionnante parution à la manière d’un grand éclat de rire.

Le talent à l’état pur !

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