Disques

Brillant triptyque russe du piano

La grande pianiste franco-lithuanienne Mūza Rubackyté mène une belle carrière basée sur la musicalité et l’énergie maîtrisée de son jeu. Une carrière qui souffrit un temps des conditions politiques qui prévalaient dans son pays d’origine, la Lituanie. Formée à la rude école du Conservatoire Tchaïkovski de Moscou, lauréate du concours « All Union » de Saint-Pétersbourg, puis Grand Prix 1981 du Concours International de piano Liszt-Bartók de Budapest, Mūza Rubackyté connaît et diffuse avec brio tout le répertoire des riches musiques russes du XXème siècle.

Ce n’est qu’après 1989 qu’elle put enfin quitter l’URSS à laquelle étaient rattachés les pays baltes. A partir de cette date importante, elle connut enfin la célébrité, à commencer en France où elle remporte, cette même année 1989, le Premier Prix du Concours international des Grands Maîtres Français. Son nom est souvent associé à celui de Franz Liszt dont elle reste une interprète privilégiée. Néanmoins, son répertoire s’étend bien au-delà de l’œuvre foisonnante de l’abbé Liszt.

La présente parution témoigne de son éclectisme. Trois des grands concertos russes du XXème siècle en constituent le programme. De Prokofiev à Schnittke en passant par Chostakovitch, voici un tableau significatif de ce que fut la musique russe de l’Union Soviétique.

Le second concerto de Dimitri Chostakovitch, composé en 1957, résume à lui seul tout ce qui fait la personnalité du compositeur. Le sarcasme, l’ironie, l’humour imprègnent cette partition qui prend des colorations sombres et même tragiques notamment dans l’Andante recueilli.

De Sergeï Prokofiev, la pianiste a choisi le plus célèbre des cinq concertos, le troisième daté de 1921. Motorisme, angoisse, lyrisme se partagent son déroulement implacable et d’une ferveur enflammée.

Bien différemment résonne le Concerto pour piano et cordes d’Alfred Schnittke, bien peu connu en dehors de la Russie, bien qu’il date de 1979. Le mysticisme du compositeur, l’originalité de son style et de son langage, à la fois bien dans son époque et très personnel, mérite une large diffusion à laquelle cette parution contribue largement.

Mūza Rubackyté a choisi de publier ici des versions de concert qu’elle a réalisées avec l’Orchestre Symphonique National de Lituanie, pour Chostakovitch et Prokofiev, et sa division de chambre pour Schnittke. Une flamme authentique anime ces trois interprétations. La technique impeccable de la pianiste n’est ici qu’un outil au service d’une profonde musicalité. Le choix idéal des tempi, la variété des touchers, le lyrisme se conjuguent parfaitement. A tout instant la conviction emporte l’adhésion. La soliste est très légitimement entourée des deux phalanges lithuaniennes respectivement et efficacement dirigées par Stefan Lano (Chostakovitch, enregistré en 2007), Michaël Christi (Prokofiev, 1997), Modestas Pitrénas (Schnittke, 2010). Trois versions qui bénéficient également de l’urgence du concert et de son irremplaçable énergie vitale.

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