Philips publie un magnifique album de deux CD consacré à quelques enregistrements inédits effectués par le grand pianiste allemand Alfred Brendel entre les années 1968 et 2001. Ce panorama particulièrement caractéristique de l’art de cet artiste exceptionnel possède l’intérêt d’avoir été capté en concert public ou de radio. Beethoven, Chopin, Busoni et Mendelssohn appartiennent au monde intérieur de Brendel.
Toutes ces interprétations témoignent du sens exacerbé du détail intégré à la grande ligne dont le pianiste s’est fait une sorte de philosophie. Avec les monumentales variations Diabelli et la sonate n° 28, de Beethoven, on retrouve le grand style fait de rigueur et de puissance qui constitue une constante de l’interprète. Rien n’est laissé au hasard, même si le « direct-live » dévoile une spontanéité nouvelle du jeu. L’Andante Spianato et Grande Polonaise, de Chopin, enregistrés pour la BBC en 1968, débutent dans une douceur angélique pour s’achever dans l’effervescence. On avait presque oublié la profondeur que méritent ces pages trop souvent galvaudées. Quant aux « Variations Sérieuses » op. 54 de Mendelssohn et à deux des Elégies de Busoni (n° 3 et 6), Brendel leur confère, une grandeur, un poids impressionnants sans la moindre lourdeur. Le meilleur de l’art d’un « medium », au sens propre du terme : intermédiaire fidèle entre le créateur et l’auditeur.