Le chef d’orchestre italien Riccardo Chailly est un familier du grand répertoire romantique germanique. Johannes Brahms est à son répertoire depuis toujours. Voici qu’est enfin éditée sa nouvelle intégrale des symphonies ainsi qu’un choix de partitions orchestrales importantes, dont les deux ouvertures. Chailly a choisi pour ce bilan de diriger le mythique orchestre du Gewandhaus de Leipzig, l’une des formations symphoniques les plus anciennes qui soient, dont il assure la direction musicale depuis 2005.
La succession des grands chefs à la direction de cette vénérable institution donne le vertige. De Felix Mendelssohn à Kurt Masur, en passant par Wilhelm Furtwängler et Bruno Walter, le directeur actuel fonde sa légitimité sur un passé glorieux. Pour sa deuxième intégrale discographique consacrée à Brahms, Riccardo Chailly entend remettre à plat les grandes traditions d’interprétation qui ont prévalu depuis le début du XXème siècle. Et c’est bien l’impression que donne l’écoute de ce corpus.
Les tempi sont vifs, rigoureux, l’agogique vivante et claire. Aucune lourdeur ni rubato excessif ne viennent souligner les nuances et les sonorités conservent une fraîcheur rare. Rien de pâteux dans la structure orchestrale qui reste transparente. On se souvient de la moquerie de Debussy vis-à-vis de la musique de Brahms : « Fuyons, il va développer !… » Gageons que le parti-pris de clarté de cette interprétation ne lui déplairait pas. La souplesse de la direction, la diversité des couleurs font de cette intégrale un kaléidoscope lumineux. La première symphonie avance de manière irrémédiable, sans excès de pathos, mais avec un bel élan dramatique. La deuxième, ouvertement printanière et lumineuse, la troisième, sensible et intense, conduisent à la grandeur d’un fleuve en mouvement de la quatrième. Signalons que le chef italien a tenu à enregistrer également la version initiale, non conservée par Brahms de l’ouverture de cette dernière, ainsi que la première version de l’Andante de la première. En outre, le troisième CD de l’album regroupe, outre les ouvertures « Tragique » et « Académique », les Variations sur un thème de Haydn, 9 des belles Liebeslieder-Walzer, 3 de ses Danses Hongroises et les orchestrations par Paul Klengel de deux de ses crépusculaires Intermezzos op. 116 et 117, originalement destinés au piano.
Voici bien l’une des plus convaincantes intégrales brahmsiennes de ces dernières années, intégrale que magnifie un enregistrement de grande qualité.