Pierre Boulez choisit ici de confronter Alban Berg (une constante de sa direction) à… Wolfgang Amadeus Mozart. Un choix a priori étrange que l’écoute justifie pleinement. Boulez dirigeant Mozart ressemble à une gageure. Il l’a pourtant déjà fait à plusieurs reprises. Les vents de l’Ensemble Intercontemporain s’approprient ici la plus développée des sérénades composées par Mozart, sa « Gran Partita ».
Une vaste discussion musicale entre amis qui échangent, s’affrontent, compatissent. Polie comme un diamant, l’exécution que dirige Pierre Boulez souligne la richesse d’un rythme toujours subtil et changeant, d’une association de timbres d’une fabuleuse imagination. Les tempi soutenus s’organisent dans la rigueur mais sans affecter l’apparente liberté de ton. Le « Tema con variazoni » ruisselle de beautés avant un final éblouissant comme un triomphe.
Le concerto de chambre d’Alban Berg, gravé en miroir, associe le piano de Mitsuko Uchida et le violon de Christian Tetzlaff aux 13 instruments à vent de l’ensemble. Cette œuvre radicale, aboutissement strict de la technique dodécaphonique, cryptée autour de nombres fétiches comme le chiffre trois, possède pourtant un étrange pouvoir de fascination. Les interventions séparées puis réunies des instruments solistes introduisent, comme à l’insu du compositeur lui-même, de puissants ressorts dramatiques. Pierre Boulez et son ensemble maîtrisent totalement cette partition qu’ils portent à une sorte de froide incandescence. Christian Tetzlaff oppose avec subtilité la force et la fragilité de ses interventions. Mitsuko Uchida anime sa partie soliste comme hallucinée, jouant sur les contrastes de rythme et les couleurs d’une prodigieuse richesse harmonique. La profonde résonance de son piano prolonge jusqu’à l’infini le dernier accord du violon…