Disques

Bon anniversaire Alfred Brendel !

Le 17 juin 2008, le grand pianiste autrichien Alfred Brendel offrait aux Toulousains son dernier récital in loco. Les 17 et 18 décembre, c’est à Vienne qu’il réservait sa dernière apparition publique en concert. Né en 1931, il s’est peu à peu forgé une personnalité musicale et une réputation de tout premier plan pour l’interprétation du grand répertoire classique et romantique, sans passer par la case “enfant prodige”. Il précise bien lui-même : « Durant ma jeunesse, ma réputation n’avait rien de sensationnel. Le succès m’est “tombé dessus” en 1971, alors que j’avais déjà 40 ans ».

 

Au bout de soixante années de carrière, Alfred Brendel célèbre donc ses quatre-vingts ans avec l’édition, par la firme DECCA, d’un album en forme de bilan. Mozart, Beethoven, Schubert, Brahms représentent l’essentiel du répertoire de ce grand artiste. L’autre intérêt de cette parution réside dans le fait qu’il s’agit là d’interprétations inédites et enregistrées en concert public. Cela implique quelques toux discrètes (interventions parasites qui désolaient le maître) peu gênantes, quelques rares imperfections techniques, mais surtout une plus-value indéniable de l’intensité expressive, de la spontanéité du jeu qui gagne là une vie irremplaçable.

Le concerto n° 1 de Brahms occupe le premier CD de l’album. Il s’agit là d’une exécution donnée en 1985 à la célèbre Herkulessaal de Munich avec l’Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise dirigé par Sir Colin Davis. La très belle introduction orchestrale, monumentale, imposante, donne la direction que prend cette vision dense et forte de la partition. Contrairement à l’enregistrement de studio effectué avec Claudio Abbado, ce “live” restitue au piano une place plus présente. Son dialogue avec l’orchestre a rarement atteint une richesse et une fusion aussi magistrales. Le concerto n° 25 K 503, de Mozart, donné au Festspielhaus de Baden-Baden le 15 février 2002, fait appel au très bel Orchestre de la SWR sous la direction de Hans Zender. Là aussi l’introduction orchestrale très développée offre au piano une impressionnante haie d’honneur. Alfred Brendel allie finesse et spontanéité du toucher à un admirable sens des nuances. Beethoven est présent avec son incomparable sonate op. 110, la 31ème en la bémol majeur, interprétée lors du plus récent concert du 7 août 2007 au Grosses Festspielhaus de Salzbourg : profondeur expressive, rigueur mesurée, équilibre et grande richesse d’une palette de nuances au service d’un discours poignant. L’Adagio donne le frisson et la fugue finale ouvre sur un éblouissement lumineux d’une grande beauté. Enfin, Schubert et son sublime Impromptu en fa mineur D 935 n° 1, enregistré au cours du même récital salzbourgeois, clôt cet hommage sur la tendresse émouvante, fragile et si intense des dernières confidences musicales du compositeur. Brendel sait comme personne en traduire la touchante simplicité. Cet album s’écoute comme le portrait sonore, vivant et vibrant, d’un artiste qui aura marqué son époque.

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