Les publications beethovéniennes se multiplient en cette période d’anniversaire propice à la célébration de celui dont Romain Rolland disait : « Il est bien davantage que le premier des musiciens. Il est la force la plus héroïque de l’art moderne ». Voici une parution qui réunit opportunément deux partitions assez rares au concert : la Fantaisie pour piano, chœur et orchestre et le Triple concerto pour violon, violoncelle, piano et orchestre.
Outre l’intérêt que présente un tel couplage, l’interprétation aborde ces deux œuvres avec une approche originale et « historiquement informée ». Laurence Equilbey dirige ici ses deux ensembles, le chœur Accentus et l’Insula Orchestra dont les musiciens jouent sur instruments d’époque. Les sonorités orchestrales favorisent une transparence rare de la texture. On ne peut qu’admirer la fraîcheur des timbres des vents, la richesse de ceux des cors en particulier, tout ceci dans une parfaite justesse et une virtuosité à laquelle tous les instruments « anciens » ne nous ont pas toujours habitués. Soulignons également la fluidité des cordes, légitimement économes en vibrato.
La Fantaisie pour piano, chœur et orchestre a été créée en 1808 en conclusion d’un concert marathon dont le programme comprenait également les cinquième et sixième symphonies. Elle bénéficie ici de la participation de Bertrand Chamayou qui ouvre l’œuvre sur une vaste introduction à laquelle le pianiste toulousain confère une grandeur, une finesse et une éloquence admirables. Il joue là un piano ancien Pleyel dont les riches sonorités constituent un excellent compromis entre le pianoforte de l’époque de Beethoven et la facture actuelle.
La fusion avec l’instrumentarium orchestral s’avère idéale. Les chanteurs solistes se hissent au même niveau. Les sopranos Sandrine Piau et Kristina Vahrenkamp, la mezzo-soprano Anaïk Morel, les ténors Stanislas de Barbeyrac et Jean-François Chiama, ainsi que le baryton Florian Sempey, soutenus par le Chœur Accentus entonnent l’hymne final avec une ferveur communicative. Comment ne pas admirer ici l’esquisse géniale de l’hymne à la joie qui conclura, près de vingt ans plus tard, la 9ème symphonie ?
Le Triple concerto qui complète cette Fantaisie réunit trois jeunes artistes de grand talent qui jouent le jeu de la musique de chambre. Aucune lutte d’égo de soliste entre eux, mais plutôt une stimulante complicité. La violoniste Alexandra Conunova, la violoncelliste Nathalie Clein et le pianiste David Kadouch (qui joue le même piano Pleyel que Bertrand Chamayou dans la Fantaisie) s’intègrent parfaitement au tutti orchestral. L’Allegro initial alterne les interventions pleines de charme entre les trois solistes. La méditation rêveuse du court Largo central ménage un havre de poésie parfaitement dosé. L’enchaînement avec le Rondo final éclaire la scène d’une lumière qui progresse habilement vers une joie sereine, scandée sur un rythme vif de polonaise. La coda conclut la partition sur une joie sans mélange. Toute l’œuvre baigne dans une atmosphère de bonheur souriant grâce à la direction attentive et nuancée de Laurence Equilbey qui, à la tête de son Insula Orchestra, trouve là le langage le plus convaincant qui soit.
Signalons qu’il s’agit ici d’enregistrements live aussi transparents que parfaitement réalisés de ces partitions.
Deux belles bougies sur le gâteau d’anniversaire de grand Ludwig !