Disques

Beethoven et Pollini, la fin du voyage

Ludwig van Beethoven et Maurizio Pollini, c’est une longue histoire. Lorsqu’on relève les dates d’enregistrement de chaque sonate de cette intégrale, on s’aperçoit que celles-ci s’étalent de 1976 à 2014. Le grand pianiste italien vient en effet de graver ses dernières interprétations qui correspondent d’ailleurs aux opus 31 et 49. Cette somme irremplaçable, qui représente une sorte d’Himalaya du piano, trouve enfin sa conclusion sous la forme d’un double portrait. Celui d’un titan magnifié par son prophète.
Le chef d’orchestre Hans von Bülow qualifiait symboliquement ce monument des 32 sonates de Beethoven de « Nouveau Testament du pianiste, l’Ancien Testament étant le Clavier Bien Tempéré de Bach ». Le parcours de cette intégrale par un même interprète revêt l’aspect d’un voyage initiatique. Depuis les premières partitions, fortement héritières de Joseph Haydn, jusqu’aux visionnaires fulgurances des ultimes témoignages, une personnalité se forge sous nos oreilles. Un monde d’espoir, de résignation, de révolte, de ferveur. Signalons que deux exécutions ont été enregistrées en public, celles de la 12ème op. 26 et de la 21ème op. 53 (« Waldstein »).

Si le livret de présentation de Paolo Petazzi, judicieusement intitulé en français « L’énergie novatrice », réalise une belle analyse de l’ensemble des sonates, on peut regretter que la liste des œuvres ne comporte pas le numéro traditionnel de chaque partition, même si les numéros d’opus suffisent à caractériser chaque partition. L’éditeur a également choisi de ne pas faire figurer le sous-titre lorsqu’il n’est pas décidé par Beethoven lui-même. Ainsi n’apparaissent ni l’appellation « Appassionata », ni celle de « Clair de lune », ni celle des « Adieux ».

Certes ceux-ci ne sont pas de la main du compositeur mais leur célébrité y est indissolublement attachée. « Pathétique », « Waldstein » et « Hammerklavier » sont les seuls sous-titres authentiques à subsister.

Comme il se doit, chaque œuvre bénéficie, sous les doigts de Maurizio Pollini, d’une interprétation spécifiquement conçue et élaborée. Néanmoins, les profondes caractéristiques de l’interprète se retrouvent de manière nette du début à la fin de l’intégrale.

Le jeu de Pollini confère à l’ensemble une force magnétique incroyable. Le pianiste ne cherche jamais à arrondir les angles. Il souligne même la vivacité des arêtes, le caractère révolutionnaire de l’écriture et le dépassement instrumental de ces partitions qui s’affranchissent peu à peu des formes traditionnelles. Implacables, ses approches expressives pratiquent peu de rubato et peu de pédale. Elles poussent la folie digitale dans ses derniers retranchements sans pour autant s’appuyer sur la seule virtuosité. Et néanmoins, elles ne manifestent aucune froideur, tout en magnifiant la transparence des voix multiples et la visibilité de la structure.

S’il n’est pas possible de détailler ici l’interprétation de chaque sonate, quelques pépites émergent de cette intégrale. Outre le trio des derniers opus (opp. 109, 110, 111), d’une brûlante intensité, la « Hammerklavier », la « Waldstein » et l’« Appassionata » prennent feu. L’énergie, mais aussi la subtilité sont tout simplement placées au service de Beethoven.

Il n’existe pas une seule façon d’aborder les grands chefs-d’œuvre. On peut donc jouer ce « Nouveau testament » de manière différente. Mais la conviction du pianiste est telle qu’elle emporte l’adhésion et fait de cette intégrale un jalon essentiel de l’interprétation beethovénienne.

Partager

Nelson Goerner, grand piano et sublime musique
Le 11 septembre dernier, le 46ème festival Piano aux Jacobins recevait le grand pianiste argentin Nelson Goerner, l’un des grands habitués du festival.
Ukraine, un témoignage sans filtre
« Lire ce récit, c’est accepter d’affronter une réalité brute »
Fazil Say acclamé à l’ouverture du festival Piano aux Jacobins
Le 4 septembre dernier, le cloître des Jacobins, au maximum de sa capacité d’accueil, recevait le grand pianiste et compositeur turc Fazil Say.
NAOS, le nouveau programme des Conférences Vocales
Sous la direction de Laetitia Toulouse, l’ensemble Les Conférences Vocales s’associe avec la danseuse et chorégraphe Loren Coquillat pour présenter leur nouveau spectacle particulièrement original, NAOS.
La 46ème édition de Piano aux Jacobins ouvre la saison musicale toulousaine
L’annonce de la programmation du plus ancien festival français de piano, fondé en 1980 par Catherine d’Argoubet et Paul-Arnaud Péjouan, constitue toujours un événement musical de première grandeur.
La belle 11ème édition du festival Passions Baroques
Du jeudi 2 octobre au dimanche 12 octobre 2025, cette édition du festival Passions Baroques organise une série de concerts et de rencontres en Tarn et Garonne et à Montauban.