Disques

Beethoven « Around the world » par le Quatuor Ebène

Le quatuor Ebène poursuit sa brillante carrière. Cet ensemble affiche toujours avec la même spontanéité et la même vigueur une permanente jeunesse. On a du mal à réaliser que vingt années nous séparent déjà de sa fondation. A l’occasion de cet anniversaire important, les musiciens actuels de cette formation se lancent dans une autre célébration, celle du 250ème anniversaire de la naissance de Beethoven.
Avec une tournée mondiale de plus de 120 concerts dans 21 pays, le Quatuor Ebène souhaite rendre un hommage fervent à celui qui conçut l’une des plus intenses contributions à la littérature du quatuor à cordes, Ludwig van Beethoven. Au cours de ce pèlerinage baptisé « Beethoven autour du monde », les jeunes musiciens décident également de réaliser, chemin faisant, un enregistrement de l’intégrale de ses quatuors. Afin d’en préserver toute la sève et la ferveur nourries par la présence du public, ils ont choisi en outre d’enregistrer l’ensemble de ces partitions en concert. Voici un défi qui témoigne de l’engagement résolu de ces interprètes. Le recrutement récent au poste d’alto de la Toulousaine Marie Chilemme recompose l’ensemble qui réunit donc maintenant Pierre Colombet et Gabriel Le Magadure, violons, et Raphaël Merlin, violoncelle.

Le témoignage gravé de ce voyage au long cours commence par la publication de ce premier volume consacré aux deux premiers quatuors de la série de trois baptisée Razumovsky, du nom du Comte auquel elle est dédiée. Composées en 1806, immédiatement après la révolutionnaire symphonie « Héroïque », ces deux partitions marquent, par leur approche presque symphonique, un grand pas en avant dans la modernité. Ces opus 59 n° 1 et n° 2 ont été enregistrés en juin 2019 dans la Mozartsaal du Konzerthaus de Vienne, lieu emblématique.

Dans ce premier jalon, on est impressionné par la maturité des quatre interprètes qui plient leurs talents individuels à la discipline indispensable de cette pratique, ceci sans renoncer en rien à la fougue de leur engagement musical.

Les premières mesures du Quatuor n° 7 témoignent immédiatement d’une énergie intense et fébrile qui ne se relâche jamais, tout en préservant la poésie et le lyrisme de l’écriture. C’est essentiellement l’enthousiasme qui transparaît ici. Un enthousiasme accompagné de contrastes qui expriment aussi bien la joie que le drame. On admire également le sens des transitions et de la construction qui confère son unité dans la diversité à chaque opus.

Dans le Quatuor n° 8, le charme en apparence spontané se conjugue avec la diversité des expressions. Chaque instrument trouve sa place dans la profondeur des « affects ». Les interprètes jouent intensément collectif. La cohésion extrême aboutit paradoxalement à une richesse sonore et expressive impressionnante. Ecoutez la profondeur avec laquelle le Molto adagio déroule sa méditation telle que l’évoque l’élève de Beethoven, Carl Czerny « … une méditation sur l’harmonie des sphères, devant le ciel étoilé dans le silence de la nuit. » Admirable. Le Finale : Presto, conclut ce premier volume sur un feu d’artifice.

Ce projet Beethoven devrait, sans nul doute, revivifier un répertoire que l’on n’a jamais fini d’explorer. La contribution du Quatuor Ebène s’avère d’ores et déjà fondamentale.

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