Rassembler ainsi l’essentiel des bis offerts, en fin de récital ou de concert, par un musicien de la qualité d’Alexandre Tharaud revient à brosser de lui un portrait intime et révélateur. Le répertoire sans limite du pianiste se révèle ainsi sous un jour différent. De Bach à nos jours, sa curiosité explore tous les domaines possibles à la portée de son clavier et de l’originalité de ses talents.
Récemment à Toulouse pour la première manifestation de la série de musique contemporaine des Présences Vocales, Alexandre Tharaud apparaît souvent où on ne l’attend pas. Après s’être révélé grâce à un recueil consacré à Rameau, le pianiste s’est immergé dans le monde poétique de Ravel, puis dans celui, cosmique, de Bach et n’a pas hésité à emprunter quelques chemins de traverse, comme dans cette évocation du Bœuf sur le Toit et de Darius Milhaud.
Son « Eloge du bis » représente pour l’interprète :
« un hommage au public autant qu’un moment de plaisir… C’est le lâcher prise de l’après concert, une certaine connivence avec l’auditeur, un rappel de ce qui a été, d’émotions passées. »
Il est remarquable que cet ensemble de vingt-trois pièces, paru sous la marque heureusement ressuscitée Erato, s’ouvre et se referme sur Johann Sebastian Bach. Une image des racines à partir desquelles la musique pour clavier de toutes les époques prospère et fleurit. La succession des partitions choisies évoque la peinture d’un paysage immatériel, les facettes d’un hommage rendu aux multiples créateurs. Les tonalités s’enchaînent avec finesse, à la manière des couleurs répandues sur une toile en forme de puzzle dont la signification est révélée à la fin.
L’essentiel des pièces enregistrées ici sont écrites pour le clavier. C’est le cas des partitions signées Bach, Fauré, Rameau, Couperin, Scarlatti, Scriabine ou Rachmaninov. Néanmoins quelques transcriptions très bien menées se fondent habilement dans le paysage. Il en est ainsi de ce magique Ballet des Ombres heureuses de Gluck, arrangé par Siloti, de cet extrait du Carnaval des animaux de Saint-Saëns, Le Cygne, transcrit par Godowsky, ou encore de l’émouvant Adagietto de L’Arlésienne de Bizet dont Alexandre Tharaud s’est chargé lui-même de l’adaptation. Une mention spéciale doit être décernée à cette évocation d’Oscar Strasnoy sur la fameuse chanson de Georges Delerue, Le Tourbillon de la vie, que Jeanne Moreau a si génialement incarnée…
Chaque pièce du puzzle est admirablement jouée, brossant ainsi le touchant autoportrait d’un artiste attachant et sincère.