Danse

VM Compagnie : un nouveau ballet pour la rentrée

La VM Compagnie, jeune compagnie toulousaine qui nous a déjà régalé les saisons dernières avec un « Roméo et Juliette » pourvu d’une fin optimiste et un « En haut de l’Affiche » plein de gaieté et de couleurs qui nous avait permis de voir le travail incroyable de Jonathan Klein.

Comme toutes les fins de saison, la VM Compagnie, à peine terminées les représentations de « En haut de l’affiche », se préoccupait déjà au mois de juin de la prochaine programmation. Dans le tourbillon d’idées qui s’emparèrent du chorégraphe et des danseurs, l’une concernait en particulier ClassicToulouse : nous étions invités à suivre voire participer au processus de création d’un ballet !

Une aubaine ! Pénétrer dans le jardin de la création ? De cette expérience est née une narration qui va se poursuivre jusqu’à la première représentation de cette nouvelle œuvre de Matthew Madsen. Nous vous en livrons les premiers chapitres.

La Compagnie – Photo VM Danse –

Il était une fois…Kafka

Un geste, juste pour qu’un court instant, aux yeux d’une petite fille, le monde soit plus beau !
Acte 1
Vinciane Ghyssens, directrice artistique

Matthew Madsen, chorégraphe

Asún Abad, comédienne

Angel Sagües, metteur en scène, décorateur

Annie Andioc, l’invitée

Toute la Compagnie…
Scène 1

Le studio bruissait de rires étouffés, d’étirements, de pépiements d’oiseaux saluant l’été… enfin ! Les danseurs de la Compagnie étaient tous présents, malgré l’approche pour certains de ces sacrées épreuves du bac. Le moment était important. Vinciane et Matthew, les maîtres des lieux avaient souhaité, comme à leur habitude, consulter tous les danseurs pour savoir quel nouveau ballet allait se mettre en place pour la rentrée. Après le succès de « Et si c’était Roméo et Juliette », que Matthew avait su réinterpréter laissant place à l’amour et à la vie plutôt qu’à la froide éternité, il fallait un nouveau projet.

Qu’avaient donc envie de danser tous ces jeunes artistes ? Quel ballet du répertoire recueillerait leurs suffrages ? Le bruissement se fit plus intense, les noms jaillissaient : le Lac !, mais non la Belle, et Bayadère ? Non, pas assez nombreux, et Coppélia ? Moi j’aime bien Casse-Noisette… Casse- Noisette ? Ah oui, Casse-Noisette ! Il y a plein de danses de caractère, et puis l’histoire de cette petite fille et de la Fée Dragée…

Matthew Madsen, chorégraphe – Photo VM Danse –

Matthew écoute. Pas l’air convaincu, monsieur le chorégraphe. Bien sûr, Casse-Noisette est un ballet très intéressant mais qui a donné lieu à tellement de reprises, et quelles reprises ! Brillantes pour la plupart. Il faudrait trouver autre chose. Alors il faut réfléchir encore un peu, pourtant Casse-Noisette… Le studio se vide. Demain, le brainstorming reprendra.
Scène 2

Nouvelle réunion, avec cette fois des invités : les parents d’Eukené, la bouleversante « Juliette » de la Compagnie. L’échange reprend. Casse-Noisette rôde toujours. C’est alors que Asún, la maman d’Eukené parle d’un livre d’un auteur espagnol qui raconte l’histoire de Kafka, oui Franz Kafka, le Kafka du « Procès », et d’une petite fille désespérée par la perte de sa poupée. Cette poupée qui, par la magie de l’écrivain, voyage autour du monde, après avoir quitté sa petite maîtresse. L’idée était belle, le Casse-Noisette devenait poupée, la petite Clara se prénommait désormais Elsi, et Drosselmeyer n’était autre que Kafka. Le voyage vers le palais de Confiturembourg se transforme en voyage autour de la Terre et la rencontre avec toutes les danses du monde.

Que faire alors ? Eh bien commencer par lire l’œuvre ! Le temps de se la procurer. Premier écueil : seules sont disponibles la version originale en espagnol et sa traduction en anglais. Aucun souci pour Vinciane et Matthew, l’anglais ne leur pose aucun problème, et pour cause ! Annie, que la Compagnie a invitée à se joindre à l’aventure, quant à elle, se propose de la lire en espagnol, sa langue de prédilection. La lecture terminée c’est l’enthousiasme. Le récit est un hymne merveilleux à la liberté, à l’amour et à la générosité.

Mais les danseurs sont moins enthousiastes : anglais, espagnol… Voilà une lecture de vacances un peu ardue ! Peut-on trouver une solution ? Car il est important que tous les membres de la compagnie s’imprègnent de cette histoire. Annie se lance : « Donnez-moi l’été, et vous en aurez la traduction à la rentrée ». Défi accepté, il ne reste qu’à le relever !

Sur ces perspectives, on se quitte pour l’été.

Acte 2

Vinciane Ghyssens, directrice artistique

Matthew Madsen, chorégraphe

Asún Abad, comédienne

Angel Sagües, metteur en scène, décorateur

Annie Andioc, l’invitée

Claude Conte, graphiste
La chaleur de cet été invite au farniente. Mais pour des artistes en plein processus de création, le farniente n’est pas d’actualité. Matthew et Vinciane écoutent des musiques, relisent page après page, confrontent et échangent des idées : chorégraphie, décors, costumes, qui danse quoi ?…

Esquisse décor – Photo VM Danse –

Au milieu de l’été, départ vers Pampelune, Ángel et Asún bouillonnent d’idées. On travaille le matin, le soir. Ángel noircit des pages de dessins, découpe des silhouettes dans du papier. Vinciane et Asún parlent chiffons : entendez par là costumes. Tout commence à prendre forme peu à peu.

De son côté Annie ne se sépare plus de son petit carnet et de son ordinateur et se délecte à traduire cette langue riche, sonore, et découvre l’auteur Jordi Sierra y Fabra. Un écrivain catalan, dont l’œuvre a été couronnée de nombreux prix, et en particulier ce « Kafka y la muñeca viajera », « Kafka et la poupée voyageuse ». Grand écrivain de la littérature enfantine, il fait passer dans ses textes toutes les valeurs si importantes pour la construction de l’homme. Au fur et à mesure de la traduction, l’envie de connaître mieux l’auteur se fait pressante. D’ailleurs, peut-être faudrait-il l’informer de ce projet ? La technologie actuelle va permettre cette démarche : un courriel qui explique le projet, qui demande à l’auteur si cela lui semble possible.

Jordi Sierra i Fabra

Et la réponse, immédiate, d’un personnage aussi généreux que son écriture : « Tout d’abord, je suis honoré de votre choix. Ce livre s’est converti en pièce de théâtre dans de nombreux pays, mais sous forme de ballet… ce serait magnifique. Je veux que vous sachiez que non seulement vous avez mon autorisation, mais également toute liberté pour l’adapter comme vous le souhaitez.[…] Mon livre est mon livre, mais ce que pourront en faire d’autres artistes est toujours fascinant ». Cette généreuse confiance renforce encore le challenge !

Graphisme Asún Abad

La fin du mois d’août est là. Le livre est traduit, photocopié, prêt à être distribué. Matthew a choisi presque toutes les musiques. La mise en scène se précise. Les décors sont prêts à être brossés. Claude, la dernière recrue, planche sur le dernier tableau du ballet. Asún a réalisé l’affiche. Tout est prêt pour annoncer la naissance de ce nouvel enfant de la VM Compagnie.
Lundi 2 septembre, « rentrée des classes ». Tous les danseurs sont là. La vraie aventure commence.
A suivre…

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