Danse

Un temps de Pâques sous le signe russe…

Pour cet avant dernier programme de la saison, Kader Belarbi avait choisi, dans la droite ligne de son projet pour la Compagnie, de nous amener aux sources de la danse et de nous présenter les maîtres russes du ballet du XXème siècle que sont Fokine, Balanchine et Vinogradov. Avec Chopiniana, qui entre au répertoire, Le Fils prodigue et Le Grand Pas de Paquita, nous retrouvons des œuvres qui ont fait les beaux soirs des Ballet Russes de Serge de Diaghilev.

Chopiniana : Lauren Kennedy – Valerio Mangianti © David Herrero

Chopiniana
C’est sur la musique de Chopin que Mikhaïl Fokine règle en 1902, la chorégraphie du ballet qui deviendra par la suite « Les Sylphides ». Il s’agit ici d’un hommage au grand ballet romantique français et aux premières ballerines romantiques qui s’y sont illustrées, comme Marie Taglioni ou Carlotta Grisi. D’une infinie poésie, la chorégraphie déroule ses ensembles et ses variations dans une succession de mouvements qui par moment se figent pour former de véritables tableaux dans le plus pur style romantique, les longs tutus de tulle blanc renforçant encore cette impression d’irréalité. Les danseurs se sont appropriés cette grammaire et nous ont donné à voir de très beaux moments de danse. Valério Mangianti est parfait d’élégance et de noblesse distante dans le rôle du poète et les sylphides qui l’entourent sont éthérées à souhait. Soulignons l’aérienne valse de Juliette Thiélin, la grâce de Lauren Kennedy et l’aura prometteuse dégagée par certaines danseuses du corps de ballet. Ce sont Irina Kolpakova et Eldar Aliev, issus de la grande tradition du Kirov (aujourd’hui Mariinski), qui étaient venus remonter ce ballet dans la plus pure tradition russe.

Le Fils Prodigue : Davit Galstyan © David Herrero

Le Fils prodigue

C’est à Balanchine, de retour sur la scène du Capitole, que nous devons cette fable tirée de l’un des épisodes de la Bible, l’un des rares ballets narratifs de la première période du maître. Sur la musique de Prokofiev et dans les décors et les costumes somptueux de Georges Rouault, Balanchine, s’inspirant du folklore et des contes de la vieille Russie, compose une chorégraphie exubérante, très expressionniste, qui fait la part belle à la danse masculine. Ce fils prodigue est ici interprété magnifiquement par Davit Galstyan, brillant, puissant et pourtant si désemparé devant la superbement belle courtisane que campe avec une félinité et une perversité remarquables Juliana Bastos. Le danseur sait imprimer à toutes les facettes de ce rôle, sa personnalité et sa propre vision de l’œuvre.

Même si le ballet languit parfois dans des moments de narration, ce fut un grand moment de danse et de plaisir pour le public qui ne ménagea pas ses applaudissements. C’est Paul Boos, du Balanchine Trust, qui était venu en régler la chorégraphie pour le Ballet du Capitole.

Paquita Grand Pas

Cet étincelant divertissement réglé à l’origine par Marius Petipa, nous a été présenté ici dans la version d’Oleg Vinogradov, venu en personne travailler avec les danseurs qui ont pu ainsi profiter de l’enseignement de cet éminent danseur et chorégraphe qui a su revitaliser la danse au Mariinsky en y introduisant les grands chorégraphes de notre temps lorsqu’il en était le directeur artistique.

Paquita : María Gutiérrez – Kazbek Akhmedyarov © David Herrero

Ce final du ballet est une succession d’entrée et sorties donnant lieu à de brillantes variations solistes, en duo puis en trio, qui font la part belle à la virtuosité de chacun des danseurs. Si les variations féminines furent assez inégales d’une danseuse à l’autre, María Gutiérrez et Kazbek Akhmedyarov furent les rois incontestables de cette dernière prestation. Rayonnante, légère, avec une technique éprouvée doublée d’un charme et d’une grâce infinie, telle était la Paquita de María. Quant à Kazbek il fut proprement éblouissant dans toutes les difficultés de cette chorégraphie. Son départ annoncé laissera un vrai vide dans la Compagnie.

L’Orchestre du Capitole, sous la direction assurée de Koen Kessel accompagnait avec brio cet avant-dernier programme de danse. S’il est vrai qu’il est souvent intéressant de découvrir des chorégraphes plus proches de nous, le plaisir de revoir les grandes œuvres du répertoire est toujours aussi vif.

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