Danse

Serge Lifar, joaillier de la danse

Début de saison au Ballet du Capitole avec deux joyaux de la danse française (d’où le titre, Joyaux Français, choisi par Kader Belarbi pour ce spectacle) Les Mirages et Suite en Blanc, de l’un des danseurs et chorégraphes des plus brillants du XXème siècle : Serge Lifar. Tout au long de sa vie, Serge Lifar n’a vécu que pour la danse, faisant tout au long de sa brillante carrière de danseur d’abord, puis de chorégraphe, la promotion du ballet. A travers son travail de créateur mais aussi à travers ses nombreux écrits il a contribué au renouveau de la danse et du ballet.
Bien que considéré comme un artiste français, Serge Lifar est né à Kiev. Il se destine à une carrière de pianiste, quand les évènements de 1917 font que, blessé à la main, il doit y renoncer. Il décide alors de devenir danseur, après avoir découvert cet art dans le studio de Nijinska. C’est là qu’il s’y exercera avec ferveur, avant de quitter Kiev en 1923, bien décidé à rejoindre les Ballets Russes à Monte Carlo. Sans convocation aucune il se présente à une audition, et malgré l’opposition de Nijinska, Diaghilev l’engage. Simple figurant au début, il interprète assez vite des petits rôles et attire bientôt l’attention de Diaghilev, qui en fait rapidement son favori. Un an après son arrivée, il interprète de nombreux premiers rôles. En 1925, après le départ d’Anton Dolin, il est nommé premier danseur. Sa beauté plastique inspire les artistes qui foisonnent autour des Ballets Russes : Coco Chanel ou Georges Braque par exemple. Sa souplesse, sa légèreté, son élégance, son port de bras et sa force virile, mais aussi sa facilité à incarner des personnages extrêmement différents en font l’étoile incontestée de la troupe. Mais malgré ce succès il continue à travailler avec acharnement, et en 1929, Diaghilev lui offre de régler son premier ballet : la reprise du Renard d’Igor Stravinski. Mais alors que s’ouvre devant lui une nouvelle carrière de chorégraphe, Diaghilev décède et la Compagnie des Ballets Russes est dissoute.

Serge Lifar – Crédit photo Roger-Violet –

Malgré toutes les sollicitations dont il fait l’objet, Lifar part à l’Opéra de Paris pour la création des Créatures de Prométhée. Le sort veut que Balanchine, gravement malade, est obligé de se désister, Lifar reste donc le seul chorégraphe et remporte un tel succès que le directeur de l’Opéra l’engage comme danseur, chorégraphe et maître de ballet. Comme à son habitude, il travaille avec acharnement et présente plusieurs créations sans rencontrer le même succès que pour les Créatures de Prométhée. Ressentant son inexpérience en tant que chorégraphe, il va se consacrer à sa carrière de danseur, faisant l’admiration de tous.

En septembre 1939, la guerre entraîne la fermeture de l’Opéra. Mais Lifar, inquiet pour sa carrière de danseur, écrit un rapport lequel il affirme que le ballet peut être un art de propagande. Pendant l’Occupation il rouvre le Palais Garnier et enchaîne les spectacles et les tournées en France et à l’étranger. Mais à la Libération cette intense activité lui sera durement reprochée et en 1945 il est obligé de quitter l’Opéra de Paris. Malgré tout cela et malgré son âge, Lifar ne veut pas renoncer à la danse. Fin 1945, il prend la direction du Nouveau Ballet de Monte Carlo. Il quittera la Compagnie l’été 1947, espérant pouvoir revenir au Palais Garnier. Ce qui sera fait à l’automne. Mais il ne peut toujours pas danser. Il remontera sur scène début 1949 et connaît un véritable triomphe. Mais sa condition physique ne lui permet plus de se produire dans des rôles très techniques, il choisit alors la transmission de son art aux plus jeunes, et n’apparaît plus que rarement sur scène. En 1956, il met fin à sa carrière de danseur, et prend sa retraite de l’Opéra de Paris en 1958. Il continuera pourtant à régler des ballets. Il disparaît en 1986, laissant derrière lui une centaine de ballets et de pas de deux.

Son apport à l’art de la danse est immense. D’abord en tant que danseur, où sa formation russe et italienne lui assure une technique parfaite : rapidité, précision, élévation. Mais c’est peut-être sa faculté d’interprétation, ses qualités dramatiques qui en font un danseur unique. Et c’est bien à lui que l’on doit le nouveau style néoclassique, fusion des techniques classiques et modernes, qui ouvrira la voie à d’autres chorégraphes comme Roland Petit ou Maurice Béjart.

Le Ballet du Capitole va lui rendre hommage avec deux de ses œuvres, particulièrement emblématiques : Suite en Blanc et Les Mirages.

Les Mirages, de Serge Lifar : Davit Galstyan et Julie Charlet © David Herrero

Pour Suite en Blanc, sur la musique de Namouna d’Edouard Lalo, Lifar va créer sa propre grammaire de la danse, reprenant les idées exposées par les Vestris ou Noverre, au XVIIIème siècle. Il rajoute des positions (sixième et septième), déplace les axes dans les arabesques ou les attitudes. Dans son ouvrage Le Livre de la Danse, le chorégraphe explicite sa conception de ce ballet : « Suite en blanc est une véritable parade technique, un bilan de l’évolution de la danse académique depuis des années, une facture présentée à l’avenir par le chorégraphe d’aujourd’hui… En composant Suite en blanc, je me suis préoccupé de danse pure, indépendamment de toute autre considération ; j’ai voulu créer de belles visions qui n’avaient rien d’artificiel, de cérébral. Il en résulte une succession de véritables petites études techniques, de raccourcis chorégraphiques indépendants les uns des autres, apparentés entre eux par un même style néo-classique ».En dépit de leur caractère abstrait, les huit numéros portent tous un titre, soit dans l’ordre : La Sieste, Thème Varié, Sérénade, Pas de cinq, La Cigarette, Mazurka, Adage et La Flûte. Ce ballet et une véritable démonstration de virtuosité et de technicité tout en restant très expressif.

Le second ballet choisi par Kader Belarbi est Les Mirages, entré au répertoire du ballet du Capitole en octobre 2014. C’est certainement l’œuvre la plus poétique de Serge Lifar. Sur les accents mélancoliques et raffinés de la musique d’Henri Sauguet, le chorégraphe met en scène le thème de la solitude de l’homme, cette solitude qui le suit comme son ombre. De ce ballet Lifar écrit, bien des années après sa création : « …la vie n’est qu’une succession d’illusions qui s’évanouissent pour laisser l’homme seul devant la nature indifférente… Le crescendo final de la musique de Sauguet, qui monte au ciel comme le soleil, pendant que le palais de la Lune se volatilise dans les airs, accentue encore la solitude de l’homme, perdu, avec son ombre, dans l’immensité. » Dans un univers onirique, voire surréaliste le Jeune Homme entre dans le palais de la Lune et dérobe la clé des songes. La Femme, la Chimère, les marchands…, argent, amour, tout s’offre à lui avant de disparaître et de le laisser seul avec son Ombre, compagne fidèle de sa solitude.

Un programme tout empreint de poésie et de virtuosité pour ce début de saison de la danse au Théâtre du Capitole.
Et toujours en parallèle à ce spectacle le Ballet du Capitole propose un certain nombre de manifestations :

Samedi 19 octobre à 12 h 15 : Cours de danse ouvert au public. Théâtre du Capitole

Samedi 19 octobre à 19 h : Grand carnet de danse avec Monique Loudières, Florence Poudru, Stéphanie Roublot et Charles Jude. Théâtre du Capitole.

Dimanche 20 Octobre à 12 h 15 : Masterclass proposée par Monique Loudières. Théâtre du Capitole.

Informations et Réservation : www.theatreducapitole.fr

– Tel : 05 61 63 13 13.

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