C’est à un programme un peu bousculé que nous conviait, à son corps défendant, le Ballet du Capitole, qui retrouvait pour l’occasion la scène du Théâtre du Capitole, écrin sans pareil pour la danse.
En effet, l’état de santé de Davide Bombana n’a pas permis la création de son ballet, Les Liaisons dangereuses, une nouvelle œuvre inspirée de la littérature de même que son Carmen que nous avions pu voir à deux reprises à Toulouse. Cette impossibilité nous a permis de revoir trois ballets que nous avions fort appréciés : deux Balanchine, Allegro Brillante et Tchaïkovski Pas de Deux, et le magnifique Por vos muero de Nacho Duato.
Allegro brillante : Tatyana Ten et Dmitri Leshchinskiy – Photo David Herrero –
Répertoire balanchinien d’abord, et nous savons combien la Compagnie excelle dans ce registre, et l’Allegro brillante fut… brillantissime ! Ce ballet très technique et très russe dans sa conception recèle des difficultés indéniables dont les danseurs se jouent avec aisance. Sur une cadence et un rythme incisifs et soutenus, il demande aux danseurs une très grande amplitude de mouvements et une précision extrême dans l’occupation de l’espace. Tatyana Ten et Dimitri Leshchinskiy y furent magnifiques de musicalité, d’élégance et de technique. Les danseurs qui les entourent ne sont pas en reste. Et parmi eux, Hugo Mbeng qui a atteint un niveau remarquable cette saison, et il est fort dommage que la Compagnie doivent le laisser partir.
Tchaïkovski Pas de Deux : Maria Gutiérrez et Kazbek Akhmedyarov – Photo David Herrero –
Pour Tchaïkovski Pas de Deux nous retrouvions María Gutiérrez et Kazbek Akhmedyarov. Ces deux danseurs ont trouvé une complémentarité, un plaisir de danser à deux qu’ils communiquent à tous les spectateurs. Fine, aérienne, assurée, María survole la scène. A ses côtés, Kazbek se joue des difficultés de la brillante chorégraphie de Balanchine.
Por vos muero : la Compagnie – Photo David Herrero –
Suivait le Por vos muero de Nacho Duato que nous avions découvert la saison dernière. Nous avions été transportés par cette magistrale chorégraphie, la magie était là à nouveau. Le choix des musiques espagnoles des XVe et XVIe siècles (avec Jordi Savall à la baguette et la voix de Montserrat Figueras, tellement vivante à travers le chant) qui sous-tendent les textes de Garcilaso de la Vega magnifiés par la voix de Miguel Bosé, tout cela fusionne avec une chorégraphie éclatante dans son apparente simplicité. Lyrisme, élégance, musicalité, sensualité, c’est toute cette palette que les danseurs s’approprient, nous donnant une interprétation parfaite des thèmes abordés par le chorégraphe : désir et mort, séduction et mort, danse et mort. Le dépouillement de la scénographie ajoute à la délicatesse des danses de cour ou la fougue des danses populaires. Il est difficile de mettre en exergue ici l’un ou l’autre des danseurs du ballet. Solistes ou corps de ballet, la hiérarchie (si tant est qu’elle soit prégnante dans la Compagnie) n’existe plus. Tous dansent avec bonheur et cela se voit.
Spazio-tempo : Vanessa Spiteri – Photo David Herrero –
Venait enfin le ballet de Jacopo Godani, Spazio-Tempo, qui entrait au répertoire. Dans un décor de cube gris qui enferme les danseurs pris dans des entrelacs de faisceaux lumineux, et les stridences de la musique électro-acoustique d’Ulrich Müller et Siegfried Rössert (groupe 48nord), le chorégraphe construit un ballet aux innombrables difficultés, auxquelles se plient (au propre et au figuré) les danseurs, réalisant ainsi une véritable performance. Les jeux de lumière qui parfois plongent la scène dans l’obscurité révèlent tour à tour un espace presque vide ou au contraire grouillant de vie. Cette chorégraphie, toujours sur pointes pour les danseuses, tient parfois du contorsionnisme, tant elle exige de souplesse de la part des danseurs. Et dans ce registre citons l’interprétation de Vanessa Spiteri qui fait preuve d’une présence étonnante, de Nuria Arteaga ou encore Pascale Saurel. Chez les garçons c’est la puissance de Davit Galstyan ou celle de Demian Vargas, qui s’affirme comme l’un des excellents danseurs de la Compagnie, qu’il nous faut souligner ici. Ce ballet de Jacopo Godani n’est pas sans nous rappeler le brillant Scènes de Force de ce même chorégraphe que nous avions vu voici quelques saisons.
Ce programme rendu éclectique par nécessité, nous a donné un raccourci intéressant de la danse du siècle passé et de celui qui commence. La prochaine prestation du ballet illustrera à nouveaux un thème littéraire avec La Tempête, tiré d’une pièce de Shakespeare et mis en pas par le chorégraphe argentin Mauricio Wainrot.