Danse

D’un siècle à l’autre… Balanchine encore vainqueur !

Second spectacle de la saison pour le Ballet du Capitole qui nous offrait une reprise, une création et une entrée au répertoire.

Au premier plan : Marina Lafargue/Hugo Mbeng – Gaëlle Riou/Kazbek Akhmedyarov

© David Herrero

La reprise était « Square Dance » donné pour la première fois au Capitole en mars 1997. Sur des musiques de Corelli et Vivaldi, Balanchine a construit une chorégraphie extrêmement précise, très académique, lien entre la rigueur classique et les danses traditionnelles américaines. Elle demande aux danseurs un sens des ensembles qui ne supporte aucun écart, aucun « à peu près ». La symétrie des groupes, les diagonales qui s’entrecoupent, les couples qui dessinent des figures que l’on retrouve dans les danses traditionnelles tels que carrés ou rondes, tout cela met en valeur la discipline de fer des danseurs qui exécutent cette chorégraphie avec un brio et une rigueur exemplaires. Les solistes quant à eux ne sont pas en reste. A la puissance de Kasbek Akhmedyarov dans la première distribution, répond l’élégance racée de Jérôme Buttazzoni dans la seconde. Les qualités techniques de Gaëlle Riou s’accordent à merveille à celles de Kasbek, son partenaire, lors de la première soirée. Dans la deuxième distribution, c’est Juliana Moraes qui donne la réplique à Jérôme Buttazzoni. Si ses équilibres au départ peuvent paraître quelque peu instables, très vite le couple qu’elle forme avec ce danseur, si attentif à ses partenaires, retrouve toute sa grâce. On a, tout au long de ce ballet, une impression de fluidité, d’enchaînements parfaitement en place qui démontrent une fois de plus, si besoin était, la très grande maîtrise du style balanchinien qui est l’une des caractéristique de la Compagnie.

Breno Bittencourt et Frédérique Vivan © David Herrero

Venait ensuite le travail de Patrick Delcroix, jeune chorégraphe issu du Nederlands Dans Theater, abreuvé à la source des grands chorégraphes contemporains tels que Jiri Kylian, Mats Ek, William Forsythe, Nacho Duato ou encore Hans van Manen. Il a créé pour la Compagnie « Caprice du Destin » sur une superbe musique d’Arvo Pärt. Cette chorégraphie singulière, dense, parfois sombre, souvent acrobatique (voire gesticulante) est d’une lecture ardue, parfois difficile. Résolument contemporaine cette oeuvre démontre le savoir faire de la troupe, qui sait se plier à des exigences que requiert une gestuelle parfois bien éloignée du vocabulaire classique. Elle met pourtant magnifiquement en valeur un Breno Bittencourt (barbiche méphistophélique à la première représentation et glabre à la dernière), pantin qui se désarticule dans une prison de lumière pour homme seul (les éclairages pour ce ballet sont particulièrement étudiés et réussis). Les couples se font et se défont dans un mouvement de balancier, se croisent sans vraiment nous donner l’impression de se voir. On remarque particulièrement dans ce registre le nouveau couple que forment Paola Pagano, toujours aussi belle et royale, avec Thomas Bieszka ; Minh Pham, toujours étourdissant de technique et Frédérique Vivan qui fait preuve d’une indéniable présence sur scène . Les costumes, un peu tristes, ajoutent à ce sentiment d’incompréhension qui en a saisi plus d’un. Le Destin capricieux nous a-t-il donné toutes les réponses ? Il n’a peut-être fait que nous les suggérer ; à nous de les entendre !

Maria Gutierrez et Dmitry Leshchinskiy © David Herrero

Nous retrouvions Balanchine avec « Brahms-Schönberg Quartet », un ballet néoclassique où, de nouveau, dans cette œuvre qui entre au répertoire, le Ballet a fait preuve de sa science balanchinienne. Nous y avons retrouvé avec un plaisir infini Maria Gutierrez, toujours aussi aérienne et légère, Saxe fragile à la technique irréprochable. Ses équilibres, ses pirouettes, ses arabesques sont toujours aussi parfaits, ses pointes sont d’acier et son port de bras n’a rien perdu de son élégance. Elle trouvait, en la personne de Dmitry Leshchinskiy, un nouveau partenaire attentif et très élégant, prototype du danseur classique, éduqué à l’école russe.

Breno Bittencourt et Juliana Bastos

© David Herrero

Breno Bittencourt et Juliana Bastos, dans la première distribution, nous ont enchantés par leur joie de danser qui explose sur la magnifique partition de Brahms. Voilà un couple qui, dans ces chorégraphies pleines de vivacité, fait preuve d’une complémentarité exemplaire. Leur succédaient, dans la deuxième distribution, Magali Guerry et Davit Galstyan. Magali, dans la plénitude de son art, nous a paru cependant un peu en retrait, comme écrasée par la verve et l’entrain de Davit, toujours un peu cabotin. A leur côté, le corps de ballet a, comme à l’accoutumée, fait preuve de beaucoup de qualités dans les ensembles. Les danseuses ont des ports de bras que n’aurait pas reniés Monsieur Balanchine dans son New York City Ballet. Le mérite en revient bien évidemment aux danseurs, mais aussi au travail acharné de Nanette Glushak, à sa fidélité indéfectible au maître et à sa maîtrise de l’œuvre balanchinienne.

Nous l’avons déjà écrit, mais nous le redisons; le Ballet du Capitole est l’une des rares troupes en France qui possède et exécute avec autant de brio le répertoire de ce grand chorégraphe.

Pour compléter ce spectacle nous avions le bonheur d’entendre l’Orchestre du Capitole qui, sous la direction de Daniele Giulio Moles, chef italien qui fut assistant de Michel Plasson, se montra particulièrement brillant, en particulier dans l’interprétation des 2ème et 4ème mouvements du Quatuor pour piano de Johannes Brahms, orchestré par Arnold Schönberg. Il suffit de voir le plaisir des danseurs lorsqu’ils sont soutenus par une musique en « live » pour rêver que tous les spectacles de ballet soient accompagnés par l’orchestre !

Partager