Danse

Don Quichotte et ses deux Kitri

Le Ballet du Capitole reprenait ce qui fut l’immense succès de la saison chorégraphique dernière : Don Quichotte, dans la chorégraphie de Marius Petipa, revisitée par Nanette Glushak.
Ce ballet, relativement peu donné dans son intégralité, mais dont les variations du dernier acte font les beaux soirs des concours, galas et autres spectacles de danse, fut composé en 1869 par Ludwig Minkus à la demande de Marius Petipa, pour ses débuts de chorégraphe au Bolchoï. L’argument, tiré de l’un des épisodes de l’œuvre de Cervantès, « Don Quichotte de la Manche », nous conte les amours contrariées de la belle Kitri et de Basilio, le barbier que rencontrent Don Quichotte et son fidèle Sancho, lors de leurs pérégrinations à la poursuite d’un impossible rêve nommé Dulcinée.

Nanette Glushak a revisité la chorégraphie originale, donnant un peu plus de relief au rôle de Don Quichotte, jusque là prête-nom pour ce ballet, et a accentué le côté coloré et vif des danses, et la théâtralisation de l’œuvre.

Pour cette reprise, nous n’avons pas retrouvé, hélas, María Gutierrez, la magnifique Kitri de la saison dernière. S’étant blessée juste avant la première, elle fut remplacée par María Lucía Segalin, qui devait assurer la deuxième distribution, elle-même laissant la place à Juliana Moraes, toute nouvelle venue dans la troupe.

Breno Bittencourt et Juliana Moraes

(Photo David Herrero)

Si le premier acte, le soir de la première, nous sembla avoir du mal à se mettre en place, non pas techniquement, – les solistes et la troupe sont à ce niveau là « au-dessus de tout soupçon » – mais plutôt dans le manque d’émotion, tout ceci laissa bientôt place à la qualité que nous connaissons.

María Lucía Segalin, visiblement très heureuse de danser auprès de Breno Bittencourt, possède une excellente technique, de la présence, la fougue qu’il faut pour ce rôle, même si l’on peut regretter parfois une certaine raideur dans les bras. Ses variations du dernier acte furent remarquables d’équilibre et de maîtrise. Nous attendions avec, il faut bien le dire, une certaine curiosité, la prestation de Juliana Moraes, qui avait eu deux jours pour apprendre son rôle !

Elle fut éclatante de jeunesse, d’exubérance, techniquement très à l’aise (ses variations du dernier acte furent impeccables), ivre de danse, jusqu’à en oublier presque son partenaire, tant elle était toute à sa joie de danser. Cette danseuse, qui nous arrive du ballet de Zurich, va certainement faire encore les beaux soirs du Capitole. A leurs côtés Breno Bittencourt fut, comme à l’habitude, éblouissant. Sensible, musical, débordant d’énergie, faisant preuve d’une virtuosité parfaitement maîtrisée, il ajouta à cela une attention de tous les instants pour ses deux partenaires, tendre pour María Lucía, serein et encourageant pour Juliana. Ce danseur est certainement l’un des plus beaux joyaux de la Compagnie, faisant preuve d’un niveau largement international, que pourraient bien lui envier certaines de nos « étoiles ». Ses variations de l’acte du Mariage furent parfaites, soulevant l’enthousiasme d’un public totalement conquis.

Breno Bittencourt
(Photo David Herrero)

Si les deux rôles principaux furent brillamment défendus, il faut souligner ici les prestations des autres danseurs qui les entouraient. En particulier la Dulcinée de Paola Pagano, miracle d’élégance, de prestance et d’équilibre, glissant sur la scène, tel le rêve qu’elle représentait pour Don Quichotte. A ses côtés, Magali Guerry (Lucinda) et Juliana Bastos (Dorotea) rivalisèrent de lyrisme et de musicalité, elfes virevoltants dans le cerveau enfiévré de Don Quichotte. Juliana campait par ailleurs une Mercedes aguicheuse et sensuelle, qui aurait tout aussi bien pu s’appeler Carmen, tant sa variation avec l’Espada (tour à tour Minh Pham tout en force et en énergie, et Jérôme Buttazzoni élégant et racé) pouvait nous rappeler l’héroïne de Mérimée. Son charme et sa technique ne sont pas les moindres de ses qualités.

Michel Rahn fut irrésistible de drôlerie, dans le rôle de Gamache, amoureux transi, ridicule et maladroit. Quant à la Compagnie, elle fut, comme à l’accoutumée, rigoureuse dans les ensembles, débordante d’énergie et parfaitement en rythme.

Ajoutez à cela le bonheur d’avoir l’orchestre du Capitole, avec à sa tête le chef mexicain Enrique Carreon Robledo, totalement attentif au travail des danseurs, donnant l’éclat que mérite la partition, si souvent remaniée, de Ludwig Minkus. En résumé, tous les ingrédients pour un véritable spectacle de fête. C’est du moins ainsi que le public le reçut.

Partager