Rentrée russe pour le Ballet du Capitole qui retrouvait la Halle aux Grains pour deux des œuvres célébrissimes du compositeur russe qui firent les très belles heures des Ballets Russes au début du siècle dernier.
« L’Oiseau de Feu » – Evelyne Spagnol et Kasbek Akhmedyarov
(Photo David Herrero)
Avec « L’Oiseau de Feu » et « Le Sacre du Printemps », Stravinski illustre musicalement des contes traditionnels, qui sont traités ici dans des styles chorégraphiques fort différents. Michel Rahn signe la chorégraphie de « L’Oiseau ». Par son langage très académique, qui utilise à merveille toute la gamme de la grammaire classique, il nous donne une vision pleine de magie de la lutte entre le Bien et le Mal. Le trio de danseurs formé par Kasbek Akhmedyarov, Davit Galstyan et Hugo Mbeng, qui débute le ballet est remarquable. Nous connaissions la valeur largement démontrée tout au long des saisons des deux premiers danseurs. Quant à Hugo Mbeng, il semble tenir aujourd’hui les promesses du dernier spectacle de la saison passée. Les élévations de ces trois garçons, leur parfaite synchronisation, leur solide technique font de ces danseurs un trio prometteur pour les ballets à venir.
Juliana Bastos est une Princesse de rêve, belle, racée, et joint à ces qualités un réel talent dramatique. Et que dire d’Evelyne Spagnol, superbe oiseau aux ailes au bout des doigts, et qui, au-delà d’une technique parfaite, fait preuve d’une grâce et d’une vivacité superbes. Son pas de deux avec Kasbek Akhmediarov, le prince Ivan, est un pur moment de poésie et de danse. Magali Guerry et Lucille Robert entourent Juliana Bastos et forment le trio féminin qui répond avec ô combien de talent au trio masculin. Et pour écrin, ce ballet avait l’extraordinaire décor créé par Jean-Paul Marcheschi, tout de flammes et de nuit, magnifiquement mis en lumière par Patrick Méeüs.
« L’Oiseau de Feu » – Juliana Bastos et Kasbek Akhmedyarov (Photo David Herrero)
« Le Sacre » de l’argentin Mauricio Wainrot est d’une autre facture, plus contemporaine, plus dure, plus hermétique aussi. Totalement intemporelle cette chorégraphie décrit un rituel initiatique de vie et de mort, de mort pour la renaissance de la vie, fidèle à la version originale. Elle met particulièrement en valeur deux danseuses extraordinaires de dramatisme : Paola Pagano, la « Femme », rayonnante d’autorité et de maîtrise, et Juliette Thielin, l’ « Elue » véritable révélation de ce programme. Elle incarne avec une sensibilité et un jeu dramatique d’une rare intensité, la jeune vierge choisie pour le sacrifice suprême, afin que la sève vitale du printemps jaillisse. Valério Magianti est, à leurs côtés, un « Chef » impavide et puissant.
« Le Sacre du printemps » – Paola Pagano et Juliette Thielin (Photo David Herrero)
Quant à l’ensemble de la Compagnie elle prouve une nouvelle fois, dans ces ensembles où l’animalité le dispute à la fragilité, sa grande aisance dans tous les registres interprétant avec une force, une synchronisation, cette chorégraphie sauvage et parfois brutale, qui exploite les variations de rythme de la magnifique partition de Stravinski. A ce propos, que l’on nous permette une nouvelle fois de regretter que les danseurs aient dû se contenter d’une bande son, en lieu et place d’un « vrai » orchestre. Un regret également, celui de ne pas voir sur scène Maria Gutierrez qui blessée, suivait passionnément depuis la salle les évolutions de ses partenaires, « marquant » la chorégraphie de la tête et des mains, imitée en cela par Minh Pham, nouveau maître de ballet. Gageons qu’à cet instant tous deux se souvenaient de leur interprétation de ce « Sacre » en 2005.
« Le Sacre du Printemps » (Photo David Herrero)
Une soirée de rentrée qui nous a permis de retrouver une Compagnie en excellente forme. Michel Rahn, quant à lui, nous prépare un cadeau de Noël qui comblera petits et grands : « Alice au Pays des Merveilles ».