En cette fin d’année, la Ville Rose a vibré aux accents hispaniques de Don Quichotte. Kitri, Basilio, Sancho Panza et l’Ingénieux Hidalgo avaient donc choisi le plateau du Théâtre du Capitole pour caracoler sur la musique de Minkus.
Nous avions relaté, dans ces mêmes colonnes, la relecture qu’en a fait Kader Belarbi, en donnant plus d’épaisseur au personnage de Don Quichotte, en n’en faisant qu’un avec le riche Gamache, ridicule prétendant de Kitri. Basilio est passé de l’état de pauvre barbier à celui de sémillant novillero, puis matador endossant ainsi le costume d’Espada. Le bois des Dryades est devenu marais pour de longilignes naïades qui ont troqués les tutus plateaux pour de vaporeux voiles verts d’eau. Mais, pour l’essentiel, le chorégraphe est resté fidèle à la version traditionnelle, avec seulement, comme à son habitude, quelques touches personnelles : des rajouts musicaux (quelques mesures de Massenet ou encore des extraits de La Source de Minkus ) et des réorganisations musicales dans le corps même du ballet. Quelques nouveautés également dans la chorégraphie : ainsi la diagonale en pas de cheval de Kitri est-elle devenue une belle suite de piqués.
Nous avons pu voir la 1ère distribution pour cette soirée. Le rideau s’ouvre sur le prologue et l’immense silhouette de Simon Catonnet, Don Quichotte vacillant et perdu dans son rêve. On sait les qualités de comédien du danseur, mises en lumière dans plusieurs ballets. Il est ici magistral dans ce rôle. Mais le danseur à l’excellente technique n’est pas loin : on en veut pour preuve le duo avec Dulcinée lors de l’acte II. A ses côtés, Lorenzo Misuri campe un Sancho Panza à l’humour ravageur, provoquant, à plusieurs reprises, l’amusement des spectateurs.
Natalia de Froberville était Kitri et Philippe Solano, Basilio. De la blonde Juliette, l’étoile est passée à la brune Kitri avec l’aisance, la vivacité, le pétillant qui font tout son charme. Son irréprochable technique fait merveille dans toutes les difficultés qui parsèment la chorégraphie. Ses fouettés du 3ème acte ont, comme il se doit, soulevé l’enthousiasme du public. Sa Dulcinée dans la vision de Don Quichotte du 2ème acte est un rêve de musicalité.
C’était une prise de rôle pour Philippe Solano et l’on peut dire que c’est superbement réussi ! Dès le premier acte, il envahit l’espace par son interprétation plutôt virile du novillero, avant de former, au 2ème acte en particulier, un duo de rêve avec Natalia de Froberville dans un pas de deux où la musicalité de l’une et le charisme de l’autre font merveille. Le 3ème acte lui permet de faire la démonstration de son impeccable technique : manèges, tours en l’air, pirouettes, rien ne lui résiste ! Ajoutez à cela une élévation singulière et des portés impressionnants de force et de stabilité. Il est évident que ce danseur a su trouver une place très importante dans la Compagnie depuis son arrivée, si l’on se penche sur ses dernières distributions. L’année 2023 verra-t-elle se lever une nouvelle étoile dans le ciel du Ballet du Capitole ? Ce ne serait que mérité !
Philippe Solano – Natalia de Froberville
©David Herrero
Autour des deux protagonistes on retrouve les danseurs de la troupe. Les amies de Kitri Tiphaine Prévost et Kayo Nakazato, habituées du rôle, toujours complices dans la danse, démontrent, s’il en était besoin leur solide technique, leurs pointes d’acier, leur musicalité. Solène Monnereau était Mercedes. L’altière et fière gitane promène sa fine silhouette sur scène avant sa danse facétieuse avec Don Quichotte. Mais là où son talent éclate c’est dans son duo avec Esteban, le roi des gitans, où elle n’est que séduction et grâce féline. Mais comment ne pas l’être quand Esteban est dansé par Kleber Rebello. Il est, pour nous l’exceptionnelle découverte de cette soirée. Son interprétation du roi des gitans coupe le souffle tant sa technique est impressionnante : élévation, sauts, pirouettes, réceptions parfaites, tout est propre et parfaitement exécuté. Ajoutez à cela de vrais dons théâtraux, ce danseur brésilien nouvellement arrivé dans la Compagnie nous promet de belles soirées. Jessica Fyfe était une reine des Naïades fine, élégante, nous donnant à voir de forts belles arabesques, dans une danse très poétique.
Fayçal Karaoui était à la baguette pour diriger l’Orchestre du Capitole. Il donne de la partition de Minkus une interprétation brillante et colorée. Habitué de la musique de ballet, Fayçal Karaoui est extrêmement attentif aux danseurs, quitte à ralentir (parfois beaucoup) les tempi pour coller à la danse, en particulier lors de la fin des variations des solistes.
On a également pu remarquer la patte d’Antonio Najarro, danseur et chorégraphe espagnol, venu superviser les danses de caractères pour leur conférer ce plus hispanique qui en font tout le sel. C’est un vrai spectacle de fête que nous a de nouveau offert Kader Belarbi pour terminer l’année dans un vrai feu d’artifice de plaisir.
Annie RODRIGUEZ