Danse

Bach Suites : de l’intemporalité de la musique baroque…

L’œuvre de Bach était donc le fil conducteur de ce troisième programme de la saison du Ballet du Capitole. Des recherches de Françoise Lancelot sur les débuts de la danse à l’époque baroque, au néo-classicisme de David Dawson et à la contemporanéité de Maguy Marin, la musique du compositeur allemand, même si celui-ci n’a pas réellement écrit pour le ballet, se prête aux chorégraphies les plus diverses.

Bach Suite 3 : Valerio Mangianti – Christophe Coin © David Herrero

Bach Suite 3

Pour cette pièce nous nous retrouvions sur les pas de Noureev pour qui Francine Lancelot, après que le danseur ait assisté à un spectacle de sa Compagnie « Ris et Danceries » et à sa demande, chorégraphia en 1984 un solo sur la Suite n°3 pour violoncelle de Bach. Puis Kader Belarbi, en 2004, créera Bach Suite 2 à l’Opéra, à la fois suite et variation de la première chorégraphie. Bach Suite 3 s’inspire bien évidemment de ces deux œuvres en en gardant les grands principes. Assisté de Françoise Denieau, de la Compagnie de Francine Lancelot et chorégraphe du Centre de Musique baroque de Versailles, Kader Belarbi a retravaillé ce ballet et en a fait un pas de quatre. Sur la Suite N°3 pour violoncelle seul, interprétée excellemment par Christophe Coin, le chorégraphe nous propose une œuvre tout à tour grave, pétillante ou noble, comme l’est la musique. Sous une apparente simplicité, la chorégraphie est en réalité extrêmement précise et demande aux interprètes une grande qualité de concentration et d’interprétation. Valerio Mangianti allie noblesse et élégance à une technique très sûre : les ports de bras répondent au placement des pieds dans la plus pure tradition baroque. Ce danseur aurait eu toute sa place devant le Roi Soleil sur la scène de Versailles. Juliana Bastos possède cette même noblesse et une grâce tout en retenue qui fait merveille dans cette pièce. Taisha Barton-Rowledge et Pierre Devaux nous apparaissent plus spontanés, plus dans l’ingénuité. Peut-être pourrait-on parler ici, pour ces quatre danseurs, d’un point-contrepoint chorégraphique qui répond à celui de Bach, référence absolue de l’équilibre de ces deux aspects dans l’écriture musicale.

Dawson : A million kisses to my skin – Maria Gutierrez – Kazbeck Akhmedyarov

© David Herrero

A Million Kisses to my Skin

C’est sur le Concerto pour piano n°1 en ré mineur, que David Dawson a chorégraphié un ballet qui est un hymne à la joie de danser, qui détourne les codes du ballet classique pour jouer sur la prouesse technique, les déséquilibres et l’asymétrie. Le contraste avec Bach Suites 3 est saisissant : l’hyper-vélocité des danseurs, les sauts, les jetés, les arabesques à la limite de la rupture en font une œuvre qui coupe le souffle aux spectateurs. Les neufs danseurs qui occupent l’espace volent littéralement. Comme le dit le chorégraphe lui-même : « au final, on a l’impression que les danseurs passent plus de temps en l’air que sur le sol ». Si l’on peut retrouver chez le chorégraphe anglais certaines réminiscences de Forsythe ou Balanchine, son style n’en reste pas moins très personnel, fait de passion, d’émotion et de liberté physique. Les solistes de la Compagnie sont ici à leur affaire, de par leur parfaite connaissance du style balanchinien d’une part, et leur technique affutée d’autre part. Les trois danseurs solistes y sont incroyables de virtuosité : Davit Galstyan, la puissance, Kasbeck Akhmedyarov, la rigueur, Demian Vargas, l’envol ! Les danseuses ne sont bien évidemment pas en reste : María Gutierrez et Tatyana Ten rivalisent de grâce et de présence, sans que jamais leur technicité ne soit prise en défaut. Juliette Thiélin, dès l’ouverture du rideau, y est éblouissante.

Groosland : Julie Charlet – Alexander Akulov © David Herrero

Groosland

Les 2e et 3e Concertos Brandebourgeois servent de supports à Maguy Marin pour une œuvre qui se veut joyeuse et met en scène vingt danseurs revêtus de costumes qui leur donnent une silhouette bien différente de celle, traditionnelle, des danseurs classiques. Le propos de la chorégraphe était de dénoncer la vision de notre société où le paraître, l’esthétique des corps priment au-delà de tout, pour nous signifier que la danse peut accepter ces corps différents, capables de légèreté, de grâce et de beaucoup d’élégance malgré un surpoids important. Au premier moment d’étonnement amusé succède un certain sentiment de malaise. Le public rit beaucoup devant le dandinement des danseurs, empruntés et gauches dans leurs costumes démesurés. A-t-on vraiment le sentiment que tout un chacun, quel que soit sa silhouette, peut danser avec des grâces de ballerines ou l’élégance des danseurs classiques ? Pour notre part nous avons peu adhéré à cette vision. Les danseurs, eux, ont joué le jeu, certains avec de vrais talents d’acteurs.

La musique de Bach méritait un orchestre « in vivo ». C’est l’Orchestre de Chambre de Toulouse, dirigé par Christophe Coin qui accompagnait avec brio, le Ballet du Capitole dans cet étonnant programme mêlant tradition et modernité, danse baroque, néoclassique et contemporaine.

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