Le concert d’abonnement de l’Orchestre national du Capitole du 26 avril recevait deux invités renommés : le chef d’orchestre Marc Minkowski, fondateur de l’ensemble « Les Musiciens du Louvre – Grenoble » et la grande mezzo-soprano suédoise Anne Sofie von Otter, mondialement admirée au concert comme sur les scènes lyriques. Bicentenaire oblige, Richard Wagner était inscrit au programme, ainsi que celui qu’admirait profondément l’auteur de la Tétralogie, Ludwig van Beethoven.
Wagner n’a que peu écrit pour le concert. Son domaine reste pour la postérité la scène d’opéra qu’il a voulu révolutionner. Néanmoins, il a laissé quelques rares pièces symphoniques ou vocales dans lesquelles apparaissent les caractéristiques compositionnelles qui enrichissent son œuvre lyrique. L’Ouverture pour Faust, qui débute le concert, fut initialement conçue comme première partie d’un triptyque symphonique inspiré du Faust de Goethe et dont Wagner a finalement abandonné l’idée. Composée à Paris en 1839-1840, elle a été remaniée deux fois, en 1843 et en 1855. Bien que la voix en soit exclue, cette partition réunit un ensemble d’éléments mélodiques et dramatiques propres à faire vivre une action lyrique. Les événements se succèdent comme au cours d’un opéra. L’Orchestre national du Capitole y développe les qualités qu’il met si souvent au service de la scène toulousaine, qualités soutenues par la direction passionnée de Marc Minkowski. Au-delà de quelques imprécisions d’attaques, l’énergie déployée, les belles couleurs des différents pupitres animent cette courte pièce qui évoque par instant quelque épisode tempétueux du Vaisseau fantôme.
La mezzo-soprano suédoise Anne Sofie
von Otter et Marc Minkowski dirigeant l’Orchestre national du Capitole – Photo Classictoulouse –
Très différent apparaît le climat éthéré des Wesendonck Lieder. Composé sur les poèmes de Mathilde Wesendonck, épouse du riche et généreux négociant qui aida Wagner en situation difficile, ce cycle de mélodies se veut le reflet de l’amour « coupable » que le compositeur éprouva pour son égérie. Initialement écrits pour voix et piano, ces lieder ont été orchestrés en deux étapes. Le cinquième, « Traüme », l’a d’abord été par Wagner lui-même en 1857. Le chef d’orchestre Felix Mottl s’est chargé des quatre autres après la mort du compositeur.
Anne Sofie von Otter, dont la beauté et la noblesse séduisent immédiatement, se glisse dans l’intimité de ces textes et de leur musique avec un raffinement de chaque instant. La pureté du timbre, un peu en retrait dans le registre grave, s’épanouit dans un aigu lumineux. Soutenue par un orchestre toujours riche de couleurs, elle oppose avec art l’atmosphère secrète des confidences de « Im Treibhaus » (Dans la serre), et l’éclat douloureux de « Schmerzen » (Souffrances). C’est dans le dernier lied « Traüme » (Rêves) que sa sensibilité s’exprime avec la plus extrême douceur. Un lied qu’elle est d’ailleurs amenée à bisser.
Marc Minkowski et l’Orchestre national du Capitole – Photo Classictoulouse –
La Symphonie n° 3, dite « Eroica », de Beethoven, occupe la seconde partie de la soirée. Les anecdotes de dédicace qui entourent cette partition emblématique ne doivent pas en écarter le caractère hautement révolutionnaire de l’écriture. On comprend a postériori les réactions négatives qui ont accompagné sa création le 7 avril 1805. Beethoven se lâche enfin pour la première fois ! Marc Minkowski démarre l’Allegro con brio dans un train d’enfer. Le thème qui suit les deux fameux accords initiaux, fiévreux et ardent, conduit à ces incroyables dissonances qui ont dû faire dresser les cheveux sur la tête de bien des auditeurs de l’époque. L’utilisation de timbales « anciennes » en peau, le jeu économe en vibrato des cordes, la disposition différente des violons et altos (premiers et seconds violons de part et d’autre du chef, altos à sa gauche) confèrent une sonorité plus acérée à l’orchestre. La Marche funèbre représente le sommet dramatique de l’exécution. Enfin l’étonnant Scherzo, judicieusement enchaîné avec le final, est une véritable fête du rythme. L’intermède du trio donne aux cors l’occasion de briller avec éclat. Bravo à tout le pupitre ! Les variations de l’Allegro molto final, basées sur le thème de Prométhée, déroulent le tapis vers la coda victorieuse.
Les grands solos de la partition (nombreux et périlleux !) sont tous admirablement joués. Il faut donc féliciter chaleureusement le hautbois, la flûte, la clarinette, le basson, le cor, les trompettes, sans oublier le timbalier, particulièrement présent.