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Vivaldi, célébré avec faste et imagination par Gli Incogniti

Amandine Beyer et Jean-Marc Andrieu présentant le concert - Photo Classictoulouse -

Le 6 décembre dernier, l’ensemble Gli Incogniti et la violoniste Amandine Beyer animaient le deuxième concert de la saison des Arts Renaissants. Le programme proposé, essentiellement consacré à Vivaldi, a recueilli les acclamations enthousiastes d’un public conquis par ce florilège de concertos pour divers instruments, gage d’inventivité du « prêtre roux », créateur infatigable.

Rappelons que l’ensemble Gli Incogniti a été créé en 2006 par un groupe d’amis réunis autour de la violoniste Amandine Beyer. Un goût pour l’inconnu sous toutes ses formes, une certaine expérimentation sonore, l’exploration du répertoire baroque, la redécouverte des grands “classiques” et des chefs-d’œuvre méconnus caractérisent les motivations musicales de l’ensemble.

La succession des concerti de Vivaldi inscrite au programme de cette soirée dément de manière éclatante la fameuse boutade, pleine de mauvaise foi, de Stravinsky à propos de Vivaldi : « … un auteur, non de 600 (ou 500 ?) concertos, mais de six cents (ou cinq cents ?) fois le même concerto… » L’imagination foisonnante, la richesse d’une palette de couleurs et de rythmes toujours renouvelée explosent véritablement à l’écoute des partitions choisies par les interprètes. Répondant à la présentation liminaire du directeur artistique des Arts Renaissants, Jean-Marc Andrieu, Amandine Beyer qualifie avec justesse le compositeur vénitien de magicien. Sa contribution et celle de ses complices musiciens à l’exécution de ce programme en apporte une preuve éclatante.

Amandine Beyer, violon (à gauche), et Gli Incogniti – Photo Classictoulouse –

Le Concerto pour cordes en do majeur RV 114, qui ouvre la soirée, donne le ton. Les cordes seules lui confèrent une sorte d’énergie lumineuse, de vitalité irrésistibles. Il ouvre la voie à l’œuvre qui donne son titre « Le monde à l’envers » à ce programme. Il s’agit du Concerto pour violon et violoncelle en fa majeur, RV 544, “Il Proteo, ossia il mondo al rovescio” (Protée ou le monde à l’envers). Dans ce double concerto, les deux instruments solistes animent une sorte de dialogue inversé dans lequel le violoncelle déploie une virtuosité éblouissante en réponse à celle du violon. Saluons le haut niveau de ces échanges impressionnants entre l’archet d’Amandine Beyer et celui du violoncelliste Marco Ceccato, légitimement acclamé après un tel déploiement festif.

Une pièce de Tomaso Albinoni vient s’insérer dans cette palette vivaldienne. Son Concerto a cinque con oboe en ré mineur op. 9 n° 2 permet la découverte du hautboïste de l’ensemble, Neven Lesage. L’éloquence et l’habileté de son jeu, la beauté de sa sonorité, la richesse de ses choix de phrasé transfigurent cette œuvre pleine de charme.

Amandine Beyer, violon, et Neven Lesage, hautbois, solistes du concerto d’Albinoni – Photo Classictoulouse –

Retour chez Vivaldi. Son Concerto pour violon en la majeur RV 344 redonne à Amandine Beyer le premier rôle. Elle suscite un nouveau dialogue “virtuosissime” avec ses musiciens. Eblouissant ! Ce sens de l’échange se manifeste avec une joie non dissimulée dans le Concerto pour violon et hautbois à l’unisson, RV 543. Comme un défi lancé entre les deux solistes, les affects s’avèrent d’une belle variété : de la sérénité de l’Allegro alla francese au sens de la danse du Minuet final.

Le Concerto pour violon en mi mineur RV 278, qui suit ce duo, recèle une pépite chargée d’émotion. Après l’animation fébrile de l’Allegro molto initial, l’étrange récit du Largo suggère une douloureuse confidence d’une incroyable intensité. Amandine Beyer en assume la profondeur expressive sans pour autant “romantiser” le propos.

La pièce finale, tel un feu d’artifice, réunit trois solistes. Ce Concerto pour violon, hautbois et orgue en do majeur RV 554 tient du défi, de la compétition entre instruments. Au violon d’Amandine Beyer, au hautbois de Neven Lesage et à l’orgue d’Anna Fontana (qui anime en outre le clavecin du continuo), il faut ajouter la partie de théorbe, si joliment tenue par Elias Conrad.

La cohésion de cet ensemble ne faiblit jamais tout en laissant à chaque voix sa spécificité. Nous ne saurions oublier de citer les violonistes Vadym Makarenko et Alba Roca, l’altiste Marta Paramo et Baldomero Barciela au grand violone. Saluons enfin le bonheur de jouer ensemble de tous ces musiciens, un bonheur si évident à constater.

Un bis apaisé, en réponse à l’ovation du public, met un point final à cette soirée, fraîche par la température mais tellement chaleureuse par l’élan musical.

Serge Chauzy

Programme du concert donné le 6 décembre 2022 à 20 h en l’église Saint-Jérôme de Toulouse

  • A. Vivaldi (1678-1741)

– Concerto en do majeur, RV 114

– Concerto pour violon et violoncelle en fa majeur, RV 544, “Il Proteo, ossia il mondo al rovescio”

  • T. Albinoni (1671-1751)

Concerto a cinque con oboe en ré mineur op. 9 n° 2

  • A. Vivaldi (1678-1741)

– Concerto pour violon en la majeur, RV 344

– Concerto pour violon et hautbois à l’unisson, RV 543

– Concerto pour violon en mi mineur, RV 278

– Concerto pour violon, hautbois et orgue en do majeur, RV 554

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