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Versailles en musique

Par décision de Louis XIV, le pouvoir musical s’est établi à Versailles, de Jean-Baptiste Lully à Jean-Philippe Rameau, les compositeurs les plus célèbres, d’André Cardinal Destouches à Jacques Aubert, moins connus mais bien intégrés dans la lignée des musiciens de cour. Le 10 mai dernier, Gilles Colliard et son Orchestre de Chambre de Toulouse avaient décidé d’illustrer cette époque glorieuse avec un programme bien spécifique d’œuvres françaises du Grand Siècle.

L’Orchestre de Chambre de Toulouse en formation complète pour Destouches et Lully

– Photo Classictoulouse –

La première suite, « Les Eléments » d’André Cardinal Destouches, compositeur apprécié de Louis XIV mais aussi de Louis XV, ouvre le bal. On peut en effet parler à son endroit de suite danse. L’énergie pointée de l’ouverture « à la française » donne le ton vigoureux de la succession des mouvements de danse qui composent cette partition. On y découvre le passage obligé de la pastorale dans lequel les cordes imitent la musette de cour. Gilles Colliard soutient le rythme avec toute la vigueur nécessaire.

Jacques Aubert, dit le Vieux, le moins connu des compositeurs de ce programme, mérite qu’on s’attarde sur lui. Après un premier poste de violoniste au service du prince de Condé, il fait partie des « Vingt-quatre Violons du Roy ». De 1728 à 1752, il est premier violon à l’Opéra et se produit régulièrement au Concert Spirituel. Avec Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville et Jean-Marie Leclair, il adapte le style italien à l’esprit français. Le concerto pour quatre violons que jouent les musiciens de l’Orchestre de Chambre illustre au premier chef cette influence italienne marquante. Aubert réserve au premier violon des traits d’une virtuosité toute vivaldienne ! Le final, en particulier, se trouve ponctué d’étranges silences, comme frappés de stupeur. La parfaite précision de l’exécution rend justice à cette alacrité pleine d’esprit.

L’orchestre en formation de sextuor jouant les Pièces en concert de Rameau

– Photo Classictoulouse –

Avec Jean-Philippe Rameau, l’intimisme musical retrouve droit de cité. Gilles Colliard propose une version subtile pour sextuor à cordes des fameuses Pièces en concert, composées originalement pour le clavecin. Si l’on n’identifie pas avec certitude l’auteur de cette transcription, on sait qu’elle fut publiée par Saint-Saëns, grand amateur de musique baroque. Cette suite de portraits ou d’évocations s’étend de « Le Vésinet » à « La Marais » en passant par une succession de courtes pièces d’un extrême raffinement. On remarque en particulier le caractère ironique de « L’agaçante » (violons volontairement grinçants), ou la fausse retenue de « La timide ».

C’est avec le tyrannique Monsieur de Lully (en fait Giovanni Battista Lulli, qui francisa son nom en Jean-Baptiste Lully), le plus français des compositeurs italiens du Grand Siècle, que s’achève la soirée. Sa suite instrumentale du Divertissement de Chambord renoue avec le caractère chorégraphique de la musique de cour. La danse est à l’honneur. Les phrasés choisis soulignent ce rebondissement qui nourrit la vitalité de ces pièces, à la fois solennelles et animées.

Offerte en bis, La Cérémonie des Turcs, l’une des plus célèbres pièces de Lully, occupe une place de choix dans la cérémonie culte du Mamamouchi du Bourgeois Gentilhomme, l’emblématique comédie-ballet de Molière et Lully. Elle conclut la soirée sur la bonne humeur et l’exotisme musical à Versailles.

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