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Versailles au Capitole

Le Chœur du Capitole développe ses collaborations avec les structures instrumentales de la région. Après s’être associé, à deux reprises, à l’ensemble de cuivres anciens de Toulouse Les Sacqueboutiers, cette formation vocale de haut niveau, sous la direction d’Alfonso Caiani, renouvelle l’expérience avec l’Orchestre Les Passions que dirige Jean-Marc Andrieu. Cette belle phalange instrumentale, spécialisée dans le répertoire de musique ancienne, pratique d’ailleurs couramment ce genre de collaboration, comme elle le fait avec le chœur de Chambre les éléments. Le 20 février prochain, au Théâtre du Capitole, les grands motets versaillais constituent le terrain fructueux de rencontre entre les deux formations.

Le grand motet versaillais, ou motet à grand chœur, représente le mode essentiel d’expression de la musique religieuse française de la fin du XVIIe siècle jusqu’à la Révolution. Tous les grands compositeurs, d’Henry Dumont (ou Du Mont) à Jean-Baptiste Lully en passant par Michel Richard Delalande, ont ainsi célébré les événements importants du royaume, tradition toujours florissante sous Louis XV.

L’Orchestre Les Passions , dirigé par Jean-Marc Andrieu, ici à la chapelle Sainte-Anne

– Photo Jean-Jacques Ader –

C’est aux grands motets de Jean-Philippe Rameau et de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville qu’est consacrée la soirée du 20 février. Ces partitions se situent à l’apogée de ce genre : les moyens expressifs du langage musical du XVIIIe siècle s’y trouvent magnifiés par ces deux génies de la musique française. Comme le note Jean-Marc Andrieu, « La musique de Rameau, complexe et contrastée, exige souplesse et parfaite maîtrise des ornements ; celle de Mondonville, qui était violoniste, demande une grande virtuosité. »

Dans ce programme exigeant et stimulant, le Chœur du Capitole, dont on connaît la souplesse et l’habileté à acquérir des styles divers, sera donc associé à l’orchestre baroque Les Passions constitué pour l’occasion de dix-huit musiciens : dix instruments à cordes, deux flûtes, deux hautbois, deux bassons, orgue et théorbe. Le retour au diapason de l’époque, 392 Hz, représente en outre une baisse d’un ton par rapport au diapason actuel, ce qui a des conséquences sur les couleurs instrumentales. Trois motets sont inscrits à ce programme.

Le Quam dilecta,composé par Rameau vers 1713-1715 sur le Psaume 83, fait partie du grand répertoire choral. L’œuvre exige beaucoup des interprètes solistes, des chœurs et des instrumentistes, comme la plupart des grandes pages de ce compositeur. Celle-ci a été chantée notamment pour la fête du Saint-Sacrement. David chassé par Absalon y expose son désir de revoir le Tabernacle, exprimant de nombreux sentiments doux et joyeux. Rameau coloriste utilise toutes les possibilités de timbres et d’harmonie de l’orchestre et des voix pour l’expression de tableaux champêtres, de l’extase de la prière ou du sentiment du fidèle accueilli dans la maison de Dieu.

Le Choeur du Capitole dirigé par Alfonso Caiani

Composé en 1748, le De profundis (psaume 129) est l’un des dix-sept grands motets de Mondonville. Il se conforme à la structure du grand motet définie par Delalande, ainsi qu’à une esthétique bien française notamment dans les récits, mais on perçoit dans son écriture la synthèse heureuse des courants italien, français et germanique. Le De Profundis connut un succès considérable durant le XVIIIe siècle, comme en témoigne cet extrait du Mercure de France louant « les beautés sublimes de l’œuvre et surtout celles du premier chœur, l’un des plus beaux morceaux d’harmonie jamais composés ».

Enfin, l’In convertendo est le plus complexe des trois motets composés par Rameau. Il est écrit sur le psaume 125, l’un des plus douloureux. Les Juifs captifs à Babylone pleurent leur liberté perdue. Composé dans la même période que les deux précédents, il a été considérablement remanié par Rameau en 1751, lors d’une reprise au Concert Spirituel. On y perçoit encore l’extraordinaire pouvoir d’évocation et de raffinement dans l’expression musicale liée au texte qui fait de Rameau un grand génie. La structure du dernier chœur, notamment, faisant se superposer les deux éléments thématiques, est une éblouissante démonstration de science de l’écriture digne des plus grands, tels J. S. Bach.

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