Trois œuvres très différentes de style, mais liées par une même dynamique passionnée, composaient le programme du concert donné, le 4 mai dernier, par l’Orchestre du Capitole dirigé avec fougue par Tugan Sokhiev.
César Franck, avec son poème symphonique « Le Chasseur maudit », ouvre la soirée sur une véritable chevauchée fantastique. L’orchestre, comme chauffé à blanc, projette un son d’une intensité particulière. L’impressionnante sonnerie de cors de l’introduction impose un tempo ample et pourtant fiévreux. Tugan Sokhiev souligne avec intelligence l’opposition des épisodes d’angoisse et de fougue qui se succèdent. Un éblouissant déploiement de couleurs et de timbres mène la course à son terme dramatique.
Un autre style, d’autres couleurs, d’autres modes musicaux caractérisent le 3ème concerto pour piano et orchestre que Bartok n’eut pas le temps d’achever. Réputée pour refléter le retour du compositeur hongrois à la forme classique et à « la sérénité des sentiments », cette œuvre ultime n’en expose pas moins les ambivalences expressives et la riche sensibilité d’un créateur hors norme.
L’interprétation qu’en donnent ici l’orchestre et le soliste n’hésite d’ailleurs pas à emprunter les chemins de traverse.Le très attachant pianiste polonais Piotr Anderszewski aborde l’allegretto initial avec une âpreté inhabituelle, sans ce détachement que d’autres y manifestent. La grâce apparente recouvre pudiquement une tension profonde. L’ouverture de l’adagio religioso, d’une bouleversante retenue, dégage par là même une émotion qui noue la gorge, alors que les éclaboussures lumineuses du final éblouissent. Précision extrême, connivence absolue entre le soliste et l’orchestre, tout concourt à la réussite de cette exécution enflammée.
Piotr Anderszewski
C’est avec la 4ème symphonie de Brahms que s’achève le concert. Dès le thème initial, d’une transparence de rêve, la matière sonore gagne cette épaisseur caractéristique de l’orchestration brahmsienne. Une épaisseur néanmoins exempte de pesanteur. Le dosage subtil des timbres que Tugan Sokhiev obtient de son orchestre exalte les sonorités éclatantes des vents et la densité étonnante des cordes. Les contrastes dynamiques, la puissance expressive alimentent la vitalité de cette exécution. Après un andante partagé entre méditation et révolte, l’allegro giocoso explose littéralement dans un tempo vertigineux. Enfin, le final, structuré comme une série de variations sur un thème simple, prend des allures de fleuve puissant et tourmenté. Une éblouissante démonstration.