Concerts

Une splendide naissance

Pour ouvrir, le 29 mars dernier, le concert de sa série Rachmaninov (une série programmée sur deux ans), Tugan Sokhiev avait choisi de créer la première des quatre pièces que Karol Beffa destine à l’Orchestre du Capitole.

Rappelons que Karol Beffa occupe la position de compositeur en résidence auprès de l’Orchestre du Capitole et à ce titre s’est engagé à écrire ces œuvres au cours des deux saisons qu’il doit passer dans la Ville rose (voir l’interview mis en ligne sur ce site). « Paradis artificiels », partition brillante, virtuose et forte inaugure cette série avec panache.

Le compositeur Karol Beffa

(Photo Alix Laveau)

Karol Beffa a composé ce diptyque pour grand orchestre d’une vingtaine de minutes sur le thème développé par Baudelaire, dans son recueil « Les Paradis artificiels ». Les effets du haschich et ceux de l’opium y sont évoqués grâce à une structure paradoxalement très organisée. L’écriture de Karol Beffa, imaginative et néanmoins rigoureuse, raconte une histoire. Il ne s’agit pas d’un simple délire désordonné, mais d’une mise en scène orchestrale qui procède par étapes, qui prend la main de l’auditeur pour l’entraîner dans la visite fantastique d’une sorte d’enfer de Dante.

Les atmosphères les plus contrastées se succèdent, de l’angoisse hébétée jusqu’à l’excitation la plus incandescente. Le crescendo final puise dans les ressources extrêmes du splendide Orchestre du Capitole pour entraîner l’auditeur vers une extase explosive. Deux très beaux solos sollicitent la virtuosité et le pouvoir expressif du premier violon, en l’occurrence l’excellente Geneviève Laurenceau dont on murmure qu’elle pourrait bien occuper ce poste de manière permanente. La complexité des rythmes, qui atteint celle d’un Stravinski dans « Le Sacre du printemps », les couleurs riches et subtiles qui éclaboussent ce tableau exalté sont admirablement maîtrisées par les interprètes. Tugan Sokhiev insuffle à son orchestre l’énergie, la précision et la beauté sonore qui émanent de l’œuvre. Voici une naissance qui marquera. Nous attendons avec impatience les frères et sœurs de ce premier enfant…

Le volet Rachmaninov du concert prolonge, sur un autre ton, cette atmosphère fantastique. Dans sa fameuse Rhapsodie sur un thème de Paganini, pour piano et orchestre, succession de rêve et de cauchemar, l’admirable Boris Berezovsky déploie une virtuosité aussi éblouissante que contrôlée. Sonorité affûtée comme une lame, phrasé d’une grande richesse, énergie inépuisable d’un toucher d’airain. L’écrin orchestral, sculpté par Tugan Sokhiev, lui distille un commentaire d’une grande beauté formelle et expressive.

Le grand pianiste russe

Boris Berezovsky

La même subtilité, le même équilibre idéal, la même noblesse caractérisent l’exécution des Danses Symphoniques, l’œuvre ultime de Rachmaninov. Tugan Sokhiev, particulièrement à l’aise dans ce répertoire qui semble couler dans ses veines, réalise une véritable performance de musicalité. Chaque nuance résonne avec la vérité et la conviction de l’authenticité. La difficulté, pourtant réelle, de l’œuvre, disparaît derrière la grande beauté de son interprétation. La musique semble naître avec un naturel absolu qui devient celui de chaque musicien de l’orchestre. La musique, toute la musique, seulement la musique…

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