Les liens que les musiciens toulousains ont tissés avec leur précédent directeur musical ne cessent de se raviver à chaque visite. Le 19 décembre dernier, Tugan Sokhiev était de nouveau à Toulouse pour diriger un concert aux accents joyeux, bien dans l’atmosphère de la fête de Noël. La musique de Tchaïkovski inscrite au programme de cette soirée constituait un attrait supplémentaire, outre celui de la présence du chef.
Accueilli par des applaudissements nourris dès son entrée sur le plateau de la Halle aux Grains, Tugan Sokhiev, tel un Père Noël musical, apporte deux partitions avec lesquelles il vit et respire depuis bien longtemps. Des extraits des deux ballets les plus populaires de Tchaïkovski, Casse-Noisette et Le Lac des cygnes, composent ce programme festif.
La direction du chef, non seulement insuffle à l’orchestre l’esprit et la lettre de chaque épisode, mais intervient sur chaque nuance, chaque participation soliste, chaque dialogue instrumental, modelant de ses mains le son global de l’ensemble.
Casse-Noisette ouvre la soirée. Dès l’épisode initial, Le Palais enchanté, la tendresse est suivie du dynamisme joyeux qui accompagne l’Arrivée du Prince et de Clara. Chaque épisode du Divertissement intègre les caractéristiques des régions évoquées : la Danse espagnole, la Danse chinoise et la Danse russe prennent notamment un relief sonore caractéristique. La séquence la plus célèbre, la Valse des Fleurs, revêt ici une suprême élégance. On admire au passage les solos instrumentaux admirablement assurés par les musiciens, trompette, flûte et de nombreux autres. Tugan Sokhiev obtient de tout l’orchestre une sonorité haute en couleurs, comme en relief.
Avec Le Lac des cygnes, le drame apparaît plus présent. La direction suscite un phrasé des cordes, en particulier, d’un intense lyrisme. Tugan Sokhiev manifeste un soin du détail qui irrigue toute l’œuvre. La série des solos instrumentaux illumine de nombreux passages. Le cornet puis le hautbois sont suivis d’un épisode qui enchaîne une série instrumentale impressionnante. Le célesta, la harpe réalisent des merveilles, suivies par celles du violon puis du violoncelle, dans une succession de solos magnifiquement joués. La Danse des petits cygnes évoque immédiatement dans la mémoire, la redoutable mais si suggestive chorégraphie originale d’Ivanov. Le crescendo de la Scène finale atteint ce soir-là un sommet éblouissant qui stupéfie un public enthousiaste et déchaîné !
Les saluts du chef se succèdent jusqu’à son retour sur scène avec un bouquet de fleurs destiné au violoniste Yves Sapir qui vient de participer ce soir-là à son dernier concert, comme l’indique Tugan Sokhiev lui-même. Célébré comme il se doit par l’ensemble de ses collègues Yves Sapir, qui a longtemps occupé les fonctions de Délégué syndical au sein de l’Orchestre, prend la parole. Il insiste tout d’abord sur les liens étroits, presque familiaux, qui existent entre les musiciens. Puis il évoque le rôle important joué par les membres du cadre technique et administratif qui permet le bon fonctionnement de la « machine ». Il s’adresse enfin au public grâce auquel la musique vit son épanouissement dans la cité.
Et puis il avoue son inquiétude concernant l’avenir vu sous la perspective des diminutions nationales envisagées des subventions nécessaires à la survie de la culture. Cet appel au maintien d’un soutien indispensable reçoit un écho très fort de tout le public. Toulouse, bénéficiant du label de l’UNESCO « Ville des musiques », mérite bien l’aide nécessaire.
En quittant le plateau, Yves Sapir vient remettre le bouquet à sa mère présente pour son dernier concert. Un geste touchant qu’il convient de saluer.
Belle soirée que celle de ce jeudi 19 décembre !
Serge Chauzy