Le 7 novembre dernier, le concert d’ouverture de la saison 2023-2024 des Arts Renaissants réunissait deux artistes aux parcours originaux : la trompettiste Lucienne Renaudin Vary et l’accordéoniste Félicien Brut. Cette association hors du commun ne pouvait que séduire l’institution organisatrice ainsi que le public venu en nombre découvrir une pratique musicale chaleureuse autant qu’imaginative.
Le président de l’association Les Arts Renaissants, Claude Scavazza, son directeur artistique, Jean-Marc Andrieu et l’adjointe au maire de Toulouse chargée des relations avec les acteurs culturels, du Conservatoire, de l’Institut Supérieur des Arts de Toulouse (Isdat) et des Musiques, Nicole Yardeni, ont tout d’abord ouvert cette saison et son premier concert en rappelant que Toulouse vient d’être désignée « Ville des musiques » par l’Unesco, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. Une nomination qui récompense les actions comme celles que mène l’association Les Arts Renaissants. Ce concert du 7 novembre constitue un bel exemple de cette recherche de la qualité dans la diversité.
Ainsi, la trompettiste Lucienne Renaudin Vary, que l’on reçoit pour la première fois à Toulouse, possède une identité artistique unique lui permettant de briller aussi bien sur les scènes classiques du monde entier que sur la scène jazz. Du haut de ses dix-sept ans, elle a remporté en 2016 une Victoire de la musique classique, en catégorie « Révélation soliste instrumental ». Depuis 2021, elle forme ce duo unique avec Félicien Brut.
Son compère en musique, Félicien Brut, est devenu, en quelques années, le représentant de l’accordéon dans la nouvelle génération de musiciens classiques français, défendant ardemment le caractère polymorphe de son instrument et suscitant la création d’un nouveau répertoire en musique de chambre et avec orchestre.
Pour ce concert d’ouverture Lucienne et Félicien ont choisi de nous parler d’amour ! En outre, Félicien, assisté de Lucienne, se charge de présenter avec verve et humour le programme qu’ils ont concocté et qu’ils défendent avec un art consommé. Un art qui mêle virtuosité flamboyante et authentique musicalité.
Lucienne Renaudin Vary joue de sa trompette comme un pommier fait des pommes ! Elle transcende toutes les difficultés des partitions qu’elle aborde avec un naturel stupéfiant. Vélocité, colorature, lyrisme habitent son jeu qu’elle pare d’extrêmes nuances : du plus triomphant des fortissimi au pianissimi évanescents.
Son complice Félicien Brut n’est pas en reste. Son accordéon aux sonorités somptueuses est à la fois orchestre, orgue, et piano… à bretelles évidemment. La gamme des nuances qu’il tire de son instrument paraît infinie !
Les pièces musicales qui se succèdent ont été adaptées pour leur duo par de multiples arrangeurs qu’il convient de féliciter. Elles mettent en évidence toutes les qualités de jeu des deux musiciens. Astor Piazzolla tient, sans surprise, une place importante. Le dialogue qui s’établit avec Chau Paris se prolonge et s’épanouit dans les extraits de l’opéra Maria de Buenos Aires arrangés par Jérôme Ducros et Domi Emorine. La trompettiste y déploie un art consommé du legato et du staccato. A l’image d’une cantatrice, Lucienne « vocalise » parfaitement dans la Fantaise slave de Carl Höhne. Elle imprègne de nostalgie la belle Romance de Rafael Mendez et anime joliment les extraits de West side story de Leonard Bernstein dans l’arrangement de Thibaut Perrine. Michel Legrand et sa partition pour le film Les Parapluies de Cherbourg, arrangée pour accordéon solo par Evgeny Derbenko, donnent à Félicien Brut l’occasion de démontrer aussi bien l’étendue de sa virtuosité digitale que sa profonde musicalité.
Au cœur de cette soirée, les deux complices rendent hommage au compositeur Fabien Waksman, présent dans la salle, qui a composé pour eux une suite intitulée Perfect Match et qui se moque gentiment des sites de rencontre, nombreux sur Internet ! Cette belle partition, dont Lucienne et Félicien offrent trois mouvements, demande une utilisation virtuose des diverses sourdines avec lesquelles la trompettiste jongle habilement. Fabien Waksman recueille une belle ovation pour son œuvre originale.
Enfin, après la version de Domi Emorine de L’Hymne en rose, le programme s’achève sur la composition de Richard Galliano en hommage à Claude Nougaro, Tango pour Claude.
L’ovation chaleureuse qui accueille cette généreuse prestation est suivie de deux bis : la très virtuose pièce de Rossini, La Danza, et une évocation de la célèbre chanson « réaliste » Mon amant de Saint-Jean.
Voici une belle ouverture de saison dont on peut noter le prochain rendez-vous. Ce sera le 12 décembre en l’église Saint-Jérôme, avec un somptueux programme à double chœur. Les ensembles vocaux Mélisme(s), dirigé par Gildas Pungier, et Dulci Jubilo, dirigé par Christopher Gibert, chanteront des pièces à double chœur de Bach, Brahms, Mendelssohn et des créations de Caroline Marçot et Christopher Gibert. A nos agendas !
Serge Chauzy
Programme du concert du 7 novembre 2023 à 20 h à l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines de Toulouse
Œuvres de Fabien Waksman, Leonard Bernstein, Michel Legrand, Astor Piazzolla, Rafael Méndez, Carl Höhne, Domi Emorine et Richard Galliano.