Dans le cadre des manifestations de La Pause Musicale à la salle toulousaine du Sénéchal, un concert d’une belle originalité réunissait, le 13 avril dernier deux musiciennes de grands talents : la claveciniste bien connue et appréciée à Toulouse Yasuko Uyama-Bouvard et la bassoniste française, membre de l’Orchestre Philharmonique de Vienne, Sophie Dervaux. Une étape fastueuse et particulièrement bienvenue à l’heure du déjeuner !
Composée de concerts gratuits les jeudis à 12 h 30, La Pause Musicale, très prisée par les Toulousains, propose une série de rencontres musicales dans un esprit de décontraction et de découverte principalement animée par des musiciens toulousains, mais pas seulement. La programmation est éclectique à souhait puisqu’elle couvre le spectre du free-jazz à la musique médiévale en passant par les musiques du monde, le blues ou le baroque.
Ce 13 avril, la rencontre bénéficie du passage à Toulouse d’une grande musicienne que les mélomanes ont pu récemment applaudir au cours d’un concert de la série des Grands Interprètes donné à la Halle aux Grains, et auquel elle participait au sein du prestigieux Orchestre Philharmonique de Vienne, Sophie Dervaux.
Bassoniste virtuose, Sophie Dervaux retrouve donc pour ce concert de La Pause Musicale, l’une des grandes claviériste du moment, la claveciniste, organiste et pianofortiste Yasuko Uyama-Bouvard. Tout au long d’un programme d’une belle originalité, les deux musiciennes font assaut de virtuosité, de finesse, d’imagination en exécutant des œuvres rares des dix-septième et dix-huitième siècles.
Le concert débute sur une sonate en quatre parties de Georg Philipp Telemann, contemporain de Johann Sebastian Bach. Admirablement soutenue par le continuo du clavecin, la bassoniste réalise là une incroyable performance alternant une impeccable éloquence avec la plus ahurissante virtuosité que l’on n’imaginait pas possible ! La profondeur, la rondeur du timbre, des couleurs déployées s’accompagne d’une impressionnante variété des nuances et des phrasés.
Les deux interprètes se lancent également dans le délire d’une pièce de Philippe-Frédéric Boedecker, compositeur et organiste de la cour à Stuttgart vers le milieu du dix-septième siècle. Il s’agir de sa Sonata sopra La Monica, a fagotto solo con basso continuo qui demande au basson une série de variations virtuosissimes ! L’exécution atteint des sommets que l’on croyait inaccessibles…
Et puis nous retrouvons celui qui ne pouvait que figurer dans ce programme, Antonio Vivaldi, l’auteur, ne l’oublions pas, de quarante concertos pour basson ! Sa Sonate n° 4 a été écrite pour violon ou basson. Elle donne à Sophie Dervaux l’occasion de démontrer l’habileté d’écriture du compositeur et celle de l’interprète qui évoque à l’occasion la diversité de facture de son instrument. Elle indique notamment la coexistence du basson français et du basson allemand ou « fagot » qui est d’ailleurs celui qu’elle pratique ce jour-là.
Yasuko Uyama-Bouvard offre en outre deux pièces en solo, deux Toccatas particulièrement brillantes. Tout d’abord, une très belle partition de Johann Jakob Froberger met en évidence une subtile alternance entre méditation et virtuosité digitale. Une autre Toccata, signée d’un Johann Sebastian Bach de trente-deux ans, exige un déploiement interprétatif tous azimuts qu’assume brillamment la musicienne.
Acclamées par l’auditoire les deux complices offrent un bis d’un certain Antoine Dard, compositeur, bassoniste et théoricien français du dix-huitième siècle. Sa Sonate n° 6 conclut donc cette rencontre fertile en découvertes et joie musicales.
Serge Chauzy