Concerts

Schumann, Brahms, musiques entre amis

Les liens amicaux si forts qui unissaient le jeune Johannes Brahms au couple Robert et Clara Schumann se trouvent finement illustrés par le programme du concert donné le 30 mars dernier par l’Orchestre national du Capitole. Conçu par son chef invité, Joseph Swensen, ce programme original réunit des pièces signées des trois amis et appartenant aussi bien au domaine symphonique qu’à celui de la musique de chambre.

Le chef d’orchestre et violoniste américain Joseph Swensen, soliste des pièces de Clara et Robert Schumann ainsi que de Brahms – Photo Classcitoulouse –

Entre deux des grandes pages symphoniques de Brahms et de Robert Schumann, Joseph Swensen rend hommage à l’épouse de ce dernier, éminente virtuose du piano et compositrice brimée par le machisme dominant. A cette occasion, le chef d’orchestre américain laisse un moment la baguette pour retrouver l’archet et le violon avec lesquels il a débuté sa carrière. Il devient ainsi, au cœur de cette soirée, chef d’orchestre, violoniste soliste et… orchestrateur, puisqu’il transcrit lui-même pour la phalange symphonique les pièces de musique de chambre qu’il aborde ainsi. Les Trois Romances pour violon, et originalement pour piano, de Clara Schumann ouvrent cette séquence pleine de tendresse. Composé à l’intention de l’ami violoniste Joseph Joachim, celui-là même qui créera le concerto de Brahms, ce triptyque semble destiné à sceller les liens d’amitié qu’il prolonge. L’affection, la douceur de l’expression, la légèreté ne s’affranchit pas vraiment d’une certaine nostalgie qui transparaît dans les échanges entre le violon solo, chaleureux et serein.

Le chef-violoniste offre ensuite deux mouvements de l’étrange sonate « collective » pour violon et piano F.A.E., composée à l’intention de Joseph Joachim par Robert Schumann, Johannes Brahms et Albert Hermann Dietrich, élève de Schumann. Joseph Swensen joue d’abord l’Intermezzo, signé Schumann, tout imprégné d’une douce sérénité, et le Scherzo dans lequel Brahms manifeste déjà une ardeur, un élan rythmique qui seront la marque de ses œuvres majeures. Le chef-soliste-orchestrateur réalise un bel équilibre, chaleureux et néanmoins intime, tout en restituant à chaque mouvement la personnalité de son compositeur. Il offre au public conquis un bis empreint d’une exaltante sérénité extrait des sonates pour violon seul de Johann Sebastian Bach.

Joseph Swensen dirigeant l’Orchestre national du Capitole dans la Symphonie « Rhénane » de Robert Schumann – Photo Classictoulouse –

L’arrangement pour instruments à vent et contrebasse, par Joseph Swensen lui-même, de la Romance pour piano en la mineur, de Clara Schumann, ouvre la seconde partie du concert. Dédiée par Clara à son époux déjà atteint en 1853 des troubles qui devaient l’emporter trois ans plus tard, cette pièce étrange et profonde s’écoute comme une ode funèbre, anticipant ainsi une fin tragique. L’orchestration pour instruments à vent renforce encore cette impression de noirceur.

Les fameuses Variations sur un thème de Haydn, de Johannes Brahms, ouvraient la soirée sur cette première grande œuvre orchestrale, trois ans avant la première symphonie, d’un compositeur inhibé par l’ombre tutélaire de Beethoven. Joseph Swensen en souligne la solennité, le caractère religieux, mélancolique par endroits.

Enfin, la plus fameuse des quatre symphonies de Robert Schumann, la troisième en mi bémol majeur, intitulée « Rhénane » conclut la soirée. Ce sous-titre, attribué alors que le compositeur vit une période heureuse, résonne tragiquement lorsqu’on se souvient que quatre ans plus tard il se jettera dans ce Rhin tutélaire, dans une tentative manquée de suicide. Mais en cette année 1850, la vie professionnelle aussi bien qu’affective du compositeur est encore au beau fixe. Un bel élan rythmique ouvre le Vivace initial. Plénitude et ampleur sonore caractérisent la direction du chef américain. Dans le Scherzo, pris dans un tempo très retenu, l’intervention du splendide pupitre de cors fait merveille. L’Andante, rêveur et intériorisé, débouche sur un Maestoso tout empreint d’un profond sentiment religieux. Les énergies se libèrent dans un Finale orgiaque dans lequel le chef galvanise tout l’orchestre. La joie sans arrière pensée est enfin de retour !

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