Concerts

Présences vocales : les richesses de la 5ème saison

Le succès de ce cycle qui a atteint une sorte de maturité exemplaire permet à sa 5ème édition d’afficher une palette de styles, d’écoles et d’époques d’une fructueuse richesse. L’événement culturel et musical réunit, une fois de plus, les quatre institutions majeures de Toulouse et sa région qui s’engagent ainsi dans une démarche salutaire d’élargissement du répertoire aux productions d’aujourd’hui. Cette entreprise collective n’est pas seulement souhaitable, elle représente une nécessité, un élixir de jouvence contre la sclérose ! Saluons donc une fois encore l’initiative du collectif éOle, d’Odyssud, du Théâtre du Capitole et du Théâtre Garonne qui éclaire le paysage culturel de la région.

Pour ces quatre institutions, il ne s’agit pas de créer une entité supplémentaire au déjà riche panorama musical toulousain. L’objectif est de susciter une synergie entre ces organismes dans le but de promouvoir la création et d’habituer le public le plus large possible aux langages nouveaux ou différents. En définitive, cette succession d’événements aussi divers que stimulantes permettent de constater qu’il n’existe pas UNE musique contemporaine, mais une floraison de voies diverses dans laquelle chaque œuvre est un monde en soi. Ce partenariat propose pour cette saison 2013-2014 un cycle de manifestations originales dont le nombre augmente encore avec, cette saison, pas moins de huit spectacles.

Joël Suhubiette et Alexandre Tharaud, réunis pour Le Visage – Le Cœur

14 octobre 2013 à 20 h 30, Odyssud Blagnac : Le Visage-Le Cœur – Né sous le signe d’une amitié entre le pianiste Alexandre Tharaud, le compositeur Thierry Pécou, le Chœur de chambre les éléments et son chef Joël Suhubiette, Le Visage-Le Cœur, qui conclura cette soirée, épouse la forme d’un concerto pour piano où le rôle orchestral est assuré par un chœur. Présentée en création mondiale en juillet 2013 au Festival international de piano de La Roque d’Anthéron, l’œuvre se nourrit des « chants » nahuatl de l’ancien Mexique, traduits par Patrick Saurin. Accordant une place de choix à la musique française actuelle, sont associées à cette création toulousaine une œuvre pour chœur a cappella de Pascal Dusapin et des pièces pour piano solo de Gérard Pesson et Thierry Pécou, interprétées par Alexandre Tharaud. Ce concert rend également hommage à Francis Poulenc, dont on commémore en 2013 le cinquantième anniversaire de la disparition, et à son écriture chorale riche et profonde, avec sa Messe en sol.
6 novembre 2013 à 20 h, Théâtre du Capitole : Apocalypse de Jean, Pierre Henry – En l’an 96 de notre ère, en relégation sur l’île de Patmos, un homme s’adresse aux chrétiens des sept églises d’Asie pour les inviter à fortifier leur foi car « proche est le temps », dit-il, où le monde sera détruit et où le Fils de l’Homme reviendra sur la terre. C’est sur cette Apocalypse, qui devient le dernier Livre du Nouveau Testament et qui a tant façonné l’imaginaire occidental, que Pierre Henry compose en 1968 l’une des fresques les plus fascinantes de la musique de notre temps. La puissance du texte, l’inoubliable voix du comédien Jean Négroni, la fulgurance des images sonores, magnifiées par une spatialisation du son dont le compositeur s’est fait une ardente spécialité et qu’il dirigera lui-même au pupitre de diffusion, feront de ce concert un événement rare et parfaitement exceptionnel.

22 novembre 2013 à 20 h 00, Théâtre Garonne : Three works, Robert Ashley – Robert Ashley est un compositeur américain d’opéras, dont certains possèdent une dimension documentaire, mais aussi d’œuvres de musique électronique et multimédia. Il a écrit pour les chorégraphes Merce Cunningham et Trisha Brown et collaboré avec le metteur en scène Robert Wilson. Dans son œuvre, l’usage sophistiqué du langage quotidien engendre de nouvelles formes de virtuosité vocale, dont la richesse et la variété semblent épouser le rythme fluide et changeant d’un véritable flux de conscience. L’écriture vocale de Robert Ashley recourt à un mode de déclamation original, à la fois chanté et parlé, qui s’apparente au Sprechgesang de Schönberg tout en parvenant à une plus grande souplesse. Les trois œuvres au programme de cette soirée sont : World War III Just the Highlights, pour voix, électronique et trois voix accompagnatrices ; The Producer Speaks, pour voix et piano, extrait du cycle Atalanta (Acts of God) ; Tract, pour voix et orchestre préenregistré, avec le baryton Thomas Buckner.

L’ensemble vocal Exaudi présente Mirror/Shadows

14 janvier 2014 à 20 h 00, Théâtre Garonne : Mirror/Shadows, A Book of Madrigals – L’ensemble vocal britannique Exaudi présente un programme autour du madrigal, genre vocal italien de la Renaissance dans lequel une écriture musicale riche et complexe se met au service de textes poétiques, parmi lesquels certains sont extraits de l’œuvre des plus grands auteurs. Carlo Gesualdo, le ténébreux prince da Venosa, connu pour les hardiesses de son écriture et son mysticisme tourmenté, est l’ombre tutélaire parcourant ce concert, où ont été réunies des œuvres de compositeurs contemporains écrites en référence à un genre développé trois siècles et demi plus tôt : Salvatore Sciarrino : Tre madrigali ; Johannes Schöllhorn : Madrigali a Dio ; Carlo Gesualdo : Tre madrigali ; Michael Finnissy : Sesto Libro di Carlo Gesualdo.
21 et 22 janvier 2014 à 20 h 30, Odyssud Blagnac : La Belle et la Bête, Philip Glass/Jean Cocteau – Cocteau avait transposé à l’écran le conte La Belle et la Bête en évoquant l’art pictural de Vermeer. Le compositeur américain Philip Glass démultiplie la féerie de ces luminescences d’outre-tombe en leur adjoignant de véritables soieries électroniques, autant d’ombres soulignées par l’aura dont se pare chaque scène du film. Après Orphée, dont les personnages étaient transposés sur scène, mais aussi Les Enfants terribles, qui se voyait projeté dans l’univers de la danse, le compositeur américain enrichit l’imagination visuelle de Cocteau d’une touche d’illusion, dans une recréation où quatre chanteurs offrent leurs voix aux acteurs apparaissant sur écran géant en une synchronisation parfaite : aux dialogues parlés se substituent des parties chantées elles aussi en français, de sorte que La Belle et la Bête devient une œuvre lyrique à part entière. En contrepoint de la création du ballet de Kader Belarbi La Bête et la Belle, le Théâtre du Capitole s’associe à Odyssud, dans le cadre du cycle Présences vocales, pour proposer à ses spectateurs d’assister à ce miroir tendu par Philip Glass à l’œuvre de Jean Cocteau, véritable opéra pour film, voix et orchestre, ici interprété par le Philip Glass Ensemble.
18 février 2014 à 20 h 00, Théâtre Garonne : Pierrot Lunaire, Arnold Schönberg/Johannes Schöllhorn – Œuvre dédiée à une diseuse de cabaret, louée par Stravinski, Ravel et Puccini, Pierrot lunaire de Schönberg s’est vu qualifier d’ « inépuisable ferment du futur » par Pierre Boulez. À des coloris instrumentaux originaux se mêle une écriture vocale fondée sur le Sprechgesang, forme de déclamation située entre le chant et la parole. Un an après la création de Pierrot lunaire, un certain Max Kowalski compose une œuvre pour piano et voix puisant dans le même recueil de poèmes d’Albert Giraud qui a servi à Schönberg. Johannes Schöllhorn orchestre en 1992 le Pierrot lunaire de Kowalski pour la formation retenue par Schönberg. Les deux œuvres sont ici présentées au cours d’une même soirée, afin que soit restitué leur lien de parenté avec l’humour grinçant et nostalgique du cabaret expressionniste. Artiste passionnée de l’art vocal dans sa diversité, de la musique ancienne au répertoire contemporain, la jeune soprano Marion Tassou explore ici toutes les possibilités expressives de la voix.

Les membres du jeune ensemble suisse Bin°oculaire interprètent

Mauricio, John, Dieter, Luciano et les autres

15, 18, 20 et 22 avril 2014 à 20 h 00, Théâtre du Capitole : Les Pigeons d’argile, Philippe Hurel – Opéra en un prologue et trois parties sur un livret de Tanguy Viel. Cet ouvrage d’aujourd’hui pour interroger un fait de société d’une actualité brûlante, est le résultat d’une commande du Théâtre du Capitole. Il sera présenté en création mondiale avec l’Orchestre national du Capitole et le Chœur du Capitole (direction Alfonso Caiani), sous la direction musicale de Tito Ceccherini, dans la mise en scène de Mariame Clément, les décors et costumes de Julia Hansen, les lumières de Philippe Berthomé. La distribution sera la suivante : Gaëlle Arquez, Charlie ; Aimery Lefèvre, Toni ; Vincent Le Texier, Bernard Baer ; Vannina Santoni, Patricia Baer ; Sylvie Brunet-Grupposo, la Chef de la Police ; Gilles Ragon, Pietro.
22 mai 2014 à 20 h 00, Théâtre Garonne : Mauricio, John, Dieter, Luciano et les autres – Se risquer à une définition claire et arrêtée du théâtre musical représente un exercice périlleux. Le jeune ensemble suisse Bin°oculaire nous dévoile ce genre « transgenre » au travers de ses plus éminents représentants, sans complexe, avec une tonicité où l’excellence musicale le dispute à une exigence sans concession quant à la perfection du geste instrumental ou vocal, à celle de la présence scénique et de la mise en situation scénographique. En avant donc pour une visite des monuments que sont Drouet, Kagel, Schnebel et Cage, ponctuée en apothéose par l’incroyable « documentaire radiophonique pour cinq acteurs » conçu en 1974 par Luciano Berio sur un texte d’Edoardo Sanguineti : A-Ronne, qui continue, quarante ans après sa création, de laisser le public totalement étourdi, abasourdi par un tel jaillissement d’invention. Un abécédaire pétillant du théâtre musical porté par cinq musiciens survitaminés…

Du « classique » contemporain de Pierrot Lunaire à la création mondiale de Pigeons d’argile, voici, n’en doutons pas, un programme qui attirera tous les curieux de musique nouvelle, de musique vivante.

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