Il est rare et précieux qu’un compositeur soit présent lors de l’exécution de sa propre musique. Ce sera le cas le 6 novembre prochain au Théâtre du Capitole, pour la deuxième manifestation du cycle Présences Vocales qui associe le Théâtre du Capitole, le Théâtre Garonne, Odyssud et le collectif éOle. Pierre Henry, novateur, inventeur de formes et de langages nouveaux, officiera lui-même aux commandes de son « oratorio électronique » en cinq temps, Apocalypse de Jean, créé en 1968. Un événement majeur animera ainsi notre théâtre lyrique et notre ville rose.
Une impressionnante exposition sur Pierre Henry précède cet événement. Son commissaire Bertrand Dubedout, en association avec le collectif éOle, a rassemblé, dans les foyers du Théâtre du Capitole, un florilège étonnant et significatif de pièces iconographiques d’appareils et d’éléments techniques (magnétophones, tables de mixage…) issus de la longue carrière de Pierre Henry. Une plongée dans l’histoire de la musique électronique .
Pierre Henry, né le 9 décembre 1927 a suivi, entre 1937 et 1947, les classes d’Olivier Messiaen, Félix Passerone et Nadia Boulanger au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Après avoir composé quelques œuvres instrumentales et mené une carrière de musicien d’orchestre comme pianiste et percussionniste, il commence des recherches sur une lutherie expérimentale. En 1949, il rejoint Pierre Schaeffer, l’inventeur de la musique concrète, et ensemble ils créent la Symphonie pour un homme seul en mars 1950. Maurice Béjart en fera l’un de ses ballets les plus célèbres. Cette œuvre aura un retentissement considérable parmi un large public. En 1958, il fonde son propre studio qui se consacre aux musiques expérimentales et électroacoustiques. Il y poursuit seul ses recherches pures, en y associant des techniques nouvelles et des procédés électroniques dont il est l’inventeur. En 1982, Pierre Henry devient le directeur artistique du nouveau studio SON/RE, subventionné par le Ministère de la Culture et la Ville de Paris. Plus de soixante-dix œuvres nouvelles y seront réalisées.
Le compositeur Pierre Henry à son pupitre
De nombreux concerts de ses œuvres sont donnés dans le monde entier, avec le souci constant d’une grande maîtrise de la spatialisation. Novateur dans le domaine de l’exploration du son, défenseur d’une esthétique libre et ouverte, pionnier dans les recherches technologiques, Pierre Henry aura ouvert la voie à de nombreux univers des musiques nouvelles, notamment électroniques. La modernité de Pierre Henry fait de lui, selon le journal Le Monde (juillet 2000), « le grand réconciliateur des générations ».
Le 6 novembre prochain, la musique spatialisée de Pierre Henry et la voix de Jean Négroni nous feront vivre les visions d’un des plus grands textes de l’humanité. Cet oratorio électronique en cinq temps sur un texte de Georges Lévitte traduit et adapté du Nouveau Testament a été créé le 31 octobre 1968 au Théâtre de la Musique à Paris.
En l’an 96 de notre ère, en relégation sur l’île de Patmos, un homme s’adresse aux chrétiens des sept églises d’Asie pour les inviter à fortifier leur foi car « proche est le temps », dit-il, « où le monde sera détruit et où le Fils de l’Homme reviendra sur la terre ». C’est sur cette Apocalypse, qui devient le dernier Livre du Nouveau Testament et qui a tant façonné l’imaginaire occidental, que Pierre Henry a conçu l’une des fresques les plus fascinantes de la musique de notre temps. La puissance du texte, l’inoubliable voix du comédien Jean Négroni, la fulgurance des images sonores, magnifiées par une spatialisation du son dont le compositeur s’est fait une ardente spécialité et qu’il dirigera lui-même au pupitre de diffusion, feront de ce concert un événement rare et parfaitement exceptionnel.