Concerts

Noble tango

« Mourir, ça c’est une habitude que les gens ont sans trop de mal… » C’est par ce vers du grand poète argentin Jorge Luis Borges que Gilles Colliard ouvrait le concert d’abonnement de l’Orchestre de Chambre de Toulouse, le 26 février dernier. Une introduction qui donnait le ton, à la fois nostalgique et distancié, de cette belle soirée consacrée à l’autre grand homme d’Argentine, Astor Piazzolla.

L’Orchestre de Chambre de Toulouse et la pianiste espagnole Carmen Martínez pour

“Las Cuatro Estaciones Porteñas” de Piazzolla

Voici une prestation musicale qui en dit long sur le professionnalisme et l’ouverture d’esprit de cet orchestre caméléon qui étonne toujours. Du répertoire baroque joué sur instruments « historiques », dans lequel il excelle, à celui de l’essence du tango telle qu’elle est incarnée par Piazzolla, la distance n’effraie pas les authentiques musiciens qui composent la phalange toulousaine.

L’OCT place la chaleur et la précision de ses cordes au service d’un compositeur auquel la grande pédagogue Nadia Boulanger conseilla la démarche qui fut la sienne : créer à partir de ses propres racines culturelles. Le résultat se hisse à la hauteur de ses ambitions.

Avec « Oblivión » (oubli), l’orchestre entre à pas feutré dans un univers de mélancolie, de profonde nostalgie qui touche et émeut. Ivre de rythme, la pièce « Canyengue » qui suit scintille et fascine par la richesse de ses déploiements sonores. Après « Coral », pièce contrastée et joliment désinvolte, l’orchestre « s’attaque » à l’une des partitions les plus développées et les plus ambitieuses de Piazzolla, « Las Cuatro Estaciones Porteñas », autrement dit ses 4 Saisons à lui qui constituent comme un portrait de sa ville Buenos-Aires.

Les musiciens toulousains sont alors rejoints par la pianiste espagnole Carmen Martínez qui s’intègre parfaitement à l’ensemble des cordes. Ici encore, la richesse rythmique éblouissante se mêle à la nostalgie latente de ces évocations sensibles. Par endroits, la nostalgie se teinte de tragique. « Tango ballet » complète ce programme original sur une étrange pièce de musique élaborée, complexe, foisonnante qui n’est pas loin d’évoquer une sorte de Bartók argentin, comme un barde latin tout imprégné de son terroir, de sa culture.

Une soirée qui redonne au tango ses lettres de noblesse.

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