La 10ème édition du festival Musique au Palais s’ouvrait ce samedi 6 décembre dans le merveilleux salon du Palais Niel. Cette année, le festival a choisi de mettre à l’honneur les « Villes Musiciennes ». En tant que lieux privilégiés de croisements et d’échanges entre les artistes, elles ont largement favorisé les rencontres entre musiciens, mais aussi entre les musiciens et les autres artistes.
Les trois concerts qui se sont succédé tout au long de ce samedi après-midi ont enchanté le public venu nombreux pour constater la qualité musicale de ces rencontres entre musiciens professionnels et grands amateurs qui peuvent ainsi échanger leurs regards sur la musique, leur passion pour elle. Trois capitales ont révélé des œuvres caractéristiques de leur rôle dans l’histoire de la musique.
Le programme des trois concerts de l’après-midi est présenté par Serge Krichewsky, le directeur artistique et animateur du festival. L’intervention du Général Claude Réglat, président de l’Entraide Parachutiste, vient rappeler que le Palais Niel c’est aussi cette association qui œuvre dans l’accompagnement au quotidien des familles de parachutistes accidentés ou décédés. Fidèle à ses engagements, Musique au Palais leur reverse une partie de la recette.
Les trois « Villes Musiciennes » visitées ce samedi, Paris, Budapest, Prague, sont ainsi caractérisées par quelques-unes de leurs productions majeures, servies par des artistes hautement motivés.
PARIS
La capitale est ici représentée par trois chefs-d’œuvre du début du XXème siècle de compositeurs bien différents mais liés par un certain « esprit français ».

Francis Poulenc ouvre le bal avec sa brillante Sonate pour clarinette et piano. Qualifié de « moine et voyou » par le musicologue Claude Rostand, le compositeur témoigne ici surtout de son côté « voyou » ! Le clarinettiste Lilian Lefebvre brille ici de tous ses feux. La beauté du son, le style, le choix des phrasés, des nuances font merveille. Le pianiste Vincent Martinet ne se contente pas d’accompagner son complice. Il dialogue avec lui et le soutient avec musicalité.
Plus rare au concert, la Sonatine pour flûte et piano d’Henri Dutilleux, datée de 1942, bénéficie du sens du chant de la flûtiste Celia Lambert-Mora et du pianiste Pierre Venissac. Le jeu intense des deux musiciens aboutit à un vertigineux final.

Maurice Ravel, avec son Trio en la mineur pour violon, violoncelle et piano, conclut cette étape de manière magistrale. Marie-Astrid Hulot, violon, Nicolas Saint-Yves, violoncelle et Vincent Martinet, piano rivalisent de vitalité. De la nostalgie dramatique du Modéré à la coulée de bonheur du Final-Animé, en passant par le rythme si original du Pantoum, l’œuvre ainsi jouée éblouit véritablement l’ensemble du public.
BUDAPEST
La capitale hongroise n’a pas manqué de voir fleurir de très grands compositeurs magyars. Béla Bartók ouvre cette séquence avec le fameux Allegro barbaro, suivi de la Suite op.14, joués dans la continuité par le pianiste Pierre Venissac. La sauvagerie de ces pièces aux accents inspirés des musiques populaires d’Europe centrale est largement assumée par l’interprète. Celui-ci enchaîne d’ailleurs avec trois des sept pièces de l’opus 11 composées par Zoltán Kodály entre 1910 et 1918 et qui prolongent l’atmosphère intense des partitions de Bartók.

Deux compositeurs aux notoriétés bien différentes poursuivent ce voyage. Du moins connu des deux, Ernő Dohnányi, le violoniste Félix Cohen et le pianiste Pierre Venissac jouent le 3ème mouvement, Vivace assai, de sa sonate en ut dièse mineur op. 21 pour les deux instruments. On y retrouve quelques accents brahmsiens. Nettement plus célèbre, Franz Liszt illustre brillamment le mouvement magyar. François Schwartzentruber s’immerge dans la Rhapsodie hongroise n° 11 avec une vigoureuse virtuosité et un bonheur communicatif.

Le dernier épisode retrouve Béla Bartók avec l’une de ses pièces de musique de chambre les plus flamboyantes. Marie-Astrid Hulot, violon, Lilian Lefebvre, clarinette et Vincent Martinet, piano font resplendir les trois volets des Contrastes.
PRAGUE
La capitale de la Tchéquie, en Bohême, a vu naître quelques-uns des compositeurs les plus liés au patrimoine populaire et folklorique. Ce troisième concert rassemble quelques œuvres particulièrement inventives des musiciens tchèques.
Les deux premières partitions, signées Josef Suk et Leoš Janáček, permettent au Quatuor Métamorphose de participer pour la première fois à ce festival. Composée de Mathilde Potier et Pierre Liscia-Beaurenaut, violons, Jean-Baptiste Souchon-Graziani, alto, et Madeleine Douçot, violoncelle, cette réunion de talents forme un ensemble d’une homogénéité remarquable au jeu à la fois intense et raffiné.

La Méditation sur un vieux choral bohémien, de Josef Suk, admirable de musicalité, est suivi du somptueux Quatuor à cordes n° 1 du grand Leoš Janáček. Une émotion profonde imprègne les quatre volets de cette œuvre bouleversante. Un drame permanent, entre déploration et cris de douleurs, émane de cette interprétation d’une puissance expressive absolue. Les musiciens s’impliquent dans cette aventure comme si leur vie en dépendait. Un grand moment !
La pièce d’Antonín Dvořák qui suit, porte un nom poétique : Klid (Dans les bois silencieux). Il s’agit d’un duo pour violoncelle et piano. Le climat apaisant qu’elle installe s’établit grâce à la riche et profonde sonorité du violoncelle de Nicolas Saint-Yves et au piano à la fois élégant et intense de Vincent Martinet.

Cet épisode s’achève sur le Trio op. 15 du fondateur de l’Ecole tchèque, Bedřich Smetana. Cette partition est défendue avec intensité par Marie-Astrid Hulot, au violon, Nicolas Saint-Yves, au violoncelle, et Vincent Martinet au piano. La conclusion de cette étape navigue entre le lyrisme héroïque initial et la course effrénée du final.
Saluons la qualité générale de toutes les prestations de ce bel après-midi musical.
Serge Chauzy
