L’association « Plus de soleil pour nos aînés », parrainée par Hôpital Sourire, avait fait appel à l’orchestre symphonique L’Enharmonie pour un concert caritatif consacré à Mozart, ce 13 janvier dernier à l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines. La formation créée et dirigée par Serge Krichewsky occupe une place particulière dans le riche paysage musical toulousain et régional. Son statut mixte mêlant amateurs de haut niveau et professionnels en font un exemple significatif de rassemblement des talents et des passions autour de la musique. Le programme de cette soirée associe aux musiques symphoniques un florilège de pièces vocales données grâce au talent de la soprano Elena Poesina.
Le président d’Hôpital Sourire rappelle, en début de concert, les missions de son association et les motivations légitimes de son soutien à « Plus de soleil pour nos aînés ». Espérons que la musique permettra d’avancer dans l’aide auprès de nos aînés en fin de vie.
L’Enharmonie, orchestre toulousain typique d’une formation dite « Mozart » qui, selon le répertoire abordé, réunit de trente à cinquante-cinq musiciens environ est le résultat d’une collaboration originale entre une majorité de musiciens amateurs confirmés et de musiciens professionnels essentiellement issus des rangs de l’ONCT (Orchestre National du Capitole de Toulouse). La pratique amateur, soutenue par la présence des musiciens professionnels de l’ONCT, peut ainsi se permettre d’explorer un large répertoire musical. Mozart est loin de représenter une tâche facile pour les musiciens. Le grand pianiste Artur Schnabel ne déclarait-il pas : « Les sonates pour piano de Mozart sont trop faciles pour les enfants et trop difficiles pour les adultes. » Il en est de même de toute sa production.
L’Orchestre L’Enharmonie et Serge Krichewsky à l’issue du concert
– Photo Classictoulouse –
Le cœur du programme de cette soirée, qui réunit donc quelques pièces vocales d’une grande beauté, se trouve intelligemment encadré par deux des grandes productions symphoniques de l’enfant de Salzbourg, productions liées par une même tonalité. Serge Krichewsky, qui commente avec talent le programme du concert, choisit de diriger tout d’abord l’Allegro con brio initial de la « petite sol mineur », cette symphonie n° 25 composée par un jeune homme de dix-sept ans sous l’impulsion du grand mouvement « Sturm und Drang » qui secoue toute la culture germanique de la fin du dix-huitième siècle. L’énergie déployée par chaque musicien fait plaisir à voir et à entendre. Parcourue par une agitation vigoureuse, mais disciplinée, cette exécution prépare celle de l’intégrale de la « grande sol mineur », la célébrissime symphonie n° 40, dont les accents haletants ont fait le bonheur de tant de publicistes ! Dramatique et déjà bien imprégnée de ce romantisme naissant, l’interprétation de ce « tube » classique conclut le concert avec bonheur.
La soprano Elena Poesina chante Mozart – Photo Classictoulouse –
Entre ces deux incursions dans le monde de la symphonie, la soprano Elena Poesina aborde la subtilité d’un répertoire vocal d’une infinie richesse. Elena Poesina possède un palmarès particulièrement flatteur. Apparaissant régulièrement dans de nombreuses productions d’opéra (Théâtres du Capitole, du Chatelet, Massimo de Palerme, Real de Madrid, Opéras de Montpellier, Toulon, Monte-Carlo, Opéra Bastille…), son répertoire, dans lequel Mozart figure en très bonne place, ne cesse de s’étendre.
Dès les première notes du Et incarnatus est, extrait de la Grande messe en ut mineur, la séduction vocale de la cantatrice opère. Comme dans le Laudate dominum des Vêpres solennelles d’un confesseur, le timbre lumineux, la subtilité du vibrato, la finesse du phrasé, la sensibilité de l’artiste font merveille. Une émotion authentique émerge de son interprétation de l’air de Pamina « Ach ich fühl’s », extrait de La Flûte enchantée dont l’orchestre joue en prélude la première partie de l’ouverture. Alors que dans le virtuose motet Exultate jubilate se déploie la perfection des vocalises les plus périlleuses, Elena Poesina, que l’on annonçait souffrante, se révèle très à l’aise dans cette redoutable partition. Serait-ce l’origine commune, un souvenir de la grande Ileana Cotrubas affleure à tout instant. Une vraie révélation !
Serge Chauzy
Article mis en ligne le 14 janvier 2014