Le concert en dialogue de l’Orchestre national du Capitole, prévu pour le 20 février, devait être dirigé par Tarmo Peltokoski. Des problèmes de santé ont contraint le Directeur musical de la formation symphonique toulousaine d’annuler sa participation. La louable réactivité de l’administration de l’orchestre a néanmoins permis de maintenir cet événement important ainsi que le programme musical prévu. A cette occasion, le public a ainsi pu découvrir un nouveau et solide talent de chef !
Quelques jours à peine avant l’échéance, le chef d’orchestre allemand Constantin Trinks a relevé le défi de diriger pour la première fois notre formation nationale, sans modification du programme musical qui, par chance, lui est familier ! Ce qui a dû peser dans la balance…
Né en 1975, Constantin Trinks a exercé au Théâtre national de la Sarre, avant de rejoindre le Théâtre d’Etat de Darmstadt. Depuis, il est souvent sollicité comme chef invité par les plus grands établissements lyriques. Dans son répertoire, Mozart et Richard Strauss tiennent une place importante. Il est également très demandé dans le répertoire symphonique auprès des grandes formations internationales comme l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise ou le Philharmonique de Dresde.
La soliste de la soirée, la soprano australienne Siobhan Stagg, est devenue l’une des artistes lyriques les plus recherchées de sa génération. Membre de l’ensemble de la Deutsche Oper Berlin de 2013 à 2019, ses rôles comprenaient notamment Pamina dans La Flûte enchantée, de Mozart ou Sophie dans Le Chevalier à la rose, de Richard Strauss. Sa participation à ce concert du 20 février a constitué un indiscutable élément de charme.
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Dès les premiers accents du concert, la direction de Constantin Tricks impressionne par son engagement et sa précision. L’ouverture de La Flûte enchantée qui ouvre cette première partie vibre d’une animation et d’une vitalité irrésistibles qui suivent la solennité des premières mesures. Un sens aigu des nuances et des phrasés met en valeur la virtuosité du jeu des musiciens.
Extrait du même ouvrage, le grand air de Pamina « Ach ich fühl’s » bénéficie du timbre lumineux de la soprano Siobhan Stagg. Elle incarne le rôle avec une émotion touchante et un art du chant accompli.
Son approche du personnage de Fiordiligi dans son air redoutable extrait de Cosi fan tutte, « Come scoglio », précédé de son récitatif enflammé « Temerarii ! », brosse une tout autre caractérisation. La parfaite virtuosité de ses vocalises le dispute à la flamme de son expression. On est impressionné par l’aisance avec laquelle elle parcourt un ambitus redoutable, de l’extrême aigu à l’extrême grave.
En miroir de cette entrée en matière mozartienne, la fantaisie symphonique de La Femme sans ombre fait appel à un effectif orchestral d’une ampleur et d’une diversité de couleurs spectaculaires. Rappelons que l’ouvrage, plutôt rarement donné, a été représenté à l’opéra national du Capitole en 2024. Il évolue dans une atmosphère de conte oriental et l’intrigue multiplie les symboles ésotériques. Autant d’éléments qui le rapprochent du sous-texte philosophique de La Flûte enchantée. La proximité apparaît a posteriori évidente ! Sous la baguette énergique du chef invité, l’orchestre manifeste une opulence, un chatoiement, un relief sonore tellement présents dans l’écriture de Strauss. Quelques solos instrumentaux émergent de cette splendeur orchestrale : la trompette, le cor, le violon, le hautbois se distinguent brillamment. Mais il faut surtout souligner l’incroyable beauté du redoutable solo de trombone (chanté dans l’opéra) admirablement joué par David Locqueneux dont on connaît l’habituel talent.
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La seconde partie du concert dévoile les liens esthétiques, dramatiques et musicaux qui existent entre Les Noces de Figaro de Mozart et Le Chevalier à la rose de Strauss. Sous la direction de Constantin Trinks, l’ouverture des Noces pétille d’une vitalité et d’une joie qui s’appuient sur des choix musicaux subtils : nuances dynamiques, phrasés habiles, équilibre entre les cordes et les vents…
Suivent alors les deux airs principaux du rôle de la Comtesse. Siobhan Stagg en adopte la douceur douloureuse qui émane naturellement de la pureté de son timbre et de son sens naturel du legato. « Porgi amor » émeut et impressionne par un contrôle du souffle d’un extrême raffinement. Le récitatif qui précède l’air célèbre « Dove sono » anime le chant comme au théâtre. Quant à l’air lui-même, il respire une émotion, une sensibilité d’une touchante profondeur. Le succès que remporte cette double prestation obtient de la cantatrice un bis d’un tout autre caractère. L’air de Despina extrait de Cosi fan tutte « Una donna a quindici anni » dévoile un sens certain de la comédie qui réjouit toute l’assistance !
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Le concert s’achève avec la brillante Suite pour orchestre du Chevalier à la rose, de Richard Strauss. Cette pièce s’ouvre sur les toutes premières notes de la partition originale et résume en quelques sortes l’ensemble des motifs essentiels de l’opéra jusqu’à la traduction du sublime trio final. L’orchestre, dirigé avec enthousiasme et précision, en explore toute la richesse colorée, tout l’éblouissement. On admire au passage la perfection des divers solos instrumentaux. Le violon, le cor, la trompette, le hautbois brillent tour à tour de tous leurs feux. On constate une fois de plus la qualité de chaque musicien de notre bel orchestre.
Une acclamation unanime accueille cette exécution. Le chef ne cesse de complimenter chaque soliste et chaque pupitre. Soulignons une fois encore la performance réalisée pour la mise au point en quelques trois jours d’un tel programme. Gageons que l’on reverra Constantin Trinks à Toulouse à la tête de l’Orchestre national du Capitole !
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– Photo Classictoulouse –
La soirée s’achève sur un hommage fleuri rendu par le Délégué général de l’Orchestre, Jean-Baptiste Fra, à la violoniste Sylvie Mougeat à l’occasion de son départ à la retraite. Après la quarantaine d’années qu’elle a accomplies dans les rangs des premiers violons de l’Orchestre, on souhaite à la musicienne une belle retraite aussi bien active que musicale, pleine de bonheur.
Serge Chauzy