Initialement consacré à Richard Strauss, le programme du concert Grands Interprètes du 26 janvier dernier associait finalement le concerto en sol de Maurice Ravel à deux partitions extrêmes du compositeur bavarois. Le piano d’Hélène Grimaud rejoignait ainsi l’Orchestre de Chambre d’Europe dirigé par le jeune et talentueux chef d’orchestre russe Vladimir Jurowski.
La pianiste Hélène Grimaud et le chef d’orchestre russe
Vladimir Jurowski après l’exécution du concerto en sol de Ravel
(photo Patrick Riou)
Après son très récent récital autour de Bach, Hélène Grimaud était de retour à Toulouse dans ce concerto pour les deux mains que Ravel dédiait en son temps à Marguerite Long. Dans cette partition éblouissante et imaginative, pleine d’allusions au jazz, mêlant clins d’œil et réflexions nostalgiques, la pianiste déploie un jeu dense, intense, volontaire. Son premier mouvement explose de vitalité. Le phrasé se veut libre mais soutenu par une sonorité projetée. L’ouverture de l’adagio assai coule comme un ruisseau et le presto final emprunte les chemins d’une compétition impertinente avec l’orchestre. Un orchestre aux sonorités fortement différentiées que l’on souhaiterait peut-être mieux liées, mais dont l’exactitude rythmique colle à celle de la soliste.
En ouverture du concert, les cordes de la phalange européennes déroulent la bouleversante méditation confiée par Strauss, alors octogénaire, à un ensemble de solistes. Vladimir Jurowski confère à cette partition en forme de testament musical une spiritualité élégante et sobre. Comme en un regard porté sur une vie qui arrive à son terme, sa lecture soigne le détail tout autant que la grande courbe en arche qu’adopte l’œuvre. La sérénité cède un instant la place à l’angoisse dans un discours qui rejoint parfois celui de la Nuit Transfigurée de Schoenberg, frôlant une atonalité latente. L’émotion reste palpable d’un bout à l’autre de cette passionnante interprétation.
La suite d’orchestre du Bourgeois Gentilhomme, du même Strauss, conclut la soirée sur une débauche théâtrale en forme de manteau d’Arlequin. Le compositeur y pastiche Lully et son style Grand Siècle, s’auto-cite avec une complaisance non dissimulée, bref s’amuse comme un petit fou ! Vladimir Jurowski dirige l’orchestre comme une formation de solistes qui parodient les personnages d’une comédie. Même lorsque les musiciens semblent se moquer les uns des autres, l’humour n’exclut jamais ni l’élégance ni la finesse. Le sourire qui éclaire le visage du chef russe reflète bien le caractère jubilatoire de cette belle interprétation, chaleureusement saluée par le public.